di Philippe PREVAL
G.B. Marino à la galerie Borghèse. La renaissance d’un génie
L’exposition organisée par Emilio Russo, Patrizia Tosini et Andrea Zezza que la galerie Borghèse consacre au poète Giambatista Marino, fait preuve d’une vertu distribuée avec parcimonie: le courage. En effet quand on évoque le poète avec un italien, on entend généralement la réponse, « il a écrit le plus long poème italien », et cela s’arrête là. Quand on en parle dans une autre nation, son nom n’évoque rien.
Marino est un poète pour universitaires et pour curieux. Il a disparu de la culture française à peu près au moment où il a quitté Paris pour Rome. Son effacement italien, aidé par la mise à l’index de l’Adone, a pris plus de temps mais était presque complet à la fin du siècle, y compris à Naples sa ville natale où il avait été reçu triomphalement après avoir quitté Rome précipitamment et le terme de marinisme fut péjoratif pendant des siècles. Dans un livre consacré récemment à Adonis par une maison d’édition italienne, on trouve comme de juste, Théocrite, Bion et Ovide, mais aussi Ronsard, Shakespeare, La Fontaine et même Yeats, mais Marino est royalement snobé.
Cependant, tous ceux qui le connaissent, c’est-à-dire bien peu de gens, s’accordent à dire que c’est un grand poète, un intellectuel exceptionnel et un homme qui eut une importance déterminante sur son époque. Aussi est-il juste et important de le rappeler à nos mémoires par cette exposition qui est consacrée aux rapports qu’il entretint avec l’art et les artistes et qui suit ses grands textes et quelques artistes qui ont revêtu pour lui une importance particulière.
Tout au long de sa vie Giovan Battista Marino fut passionné par la peinture et par les arts plastiques en général. Changeant de lieu de résidence au gré du bon vouloir des princes et des accidents de l’histoire, il constitua une collection d’œuvres d’art qu’il ne se contenta pas d’admirer mais étudia et transcrivit en vers. L’exposition explore avec les liens entre poésie et peinture au sein de l’œuvre du poète et à travers son époque donnant au vers fondamental d’Horace, Ut pictura poesis erit, une actualité prégnante et roborative. Le visiteur est ainsi convié à un parcours à travers la Renaissance et le Baroque, de Titien à Tintoret, de Corrège aux Carrache, de Rubens à Poussin, en compagnie du poète.
Une vie romanesque
Né à Naples en 1569, il quitta le cocon familial pour ne pas suivre les études de droit auxquelles il était promis, ce que je peux comprendre, et se consacra à la poésie avec suffisamment de talent pour que vers 1593, il rejoigne la cour de Matteo de Capoue, prince de Conca. Ce refus d’une carrière de juriste au profit de l’amour des Muses, n’est pas sans rappeler son lointain prédécesseur auquel il finira par s’identifier, Ovide. Toute sa vie il alternera le luxe des cours princières et l’inconfort des geôles. Il débute en effet sa carrière de délinquant peu après celle de poète de cour et fait deux séjours en prison le premier en 1598, l’autre en 1600, pour des accusations qui restent un peu mystérieuses mais qui sont suffisamment graves pour valoir la peine capitale à son ami et complice. Ne recherchant pas un destin à la François Villon, il met fin lui-même à sa seconde incarcération en s’évadant et en prenant la fuite pour Rome.
Il faut croire que sa période carcérale, à laquelle malheureusement il ne consacra aucun poème, à moins que ceux-ci aient disparu, n’influa pas trop sur ses bonnes manières puis que dans la ville des papes, il reprit rapidement ses fonctions de poète à gages auprès des puissants, en l’occurrence, de Melchiorre Crescenzi, secrétaire de Clément VIII et fut admis, dès 1602, au service du cardinal Pietro Aldobrandini, son neveu. C’est à Rome qu’il entra de plein pied dans le monde littéraire et artistique et fit sans doute la rencontre de Caravage.
Comme souvent à l’époque la mort d’un pape signait la fin de la prospérité de ses neveux et de leurs protégés. Marino dut suivre Aldobrandini à Ravenne, puis rebondissant dans diverses villes italiennes, finit par se trouver un nouveau protecteur et un nouveau logis dans les brumes piémontaises auprès du duc Charles-Emmanuel Ier de Savoie, dont il lui arriva de moquer imprudemment le physique. Il n’est pas certain que cela ait été son premier choix… Dans cette cour septentrionale et de seconde importance il se trouva en forte opposition avec le poète en place, Gaspard Murtola, contre lequel il écrivit un recueil très méchant et très drôle, qui rappelle parfois Rabelais, la Murtoléide.
Il faut dire que Murtola l’avait bien cherché, n’hésitant pas à mettre en doute la profondeur de la maîtrise du latin et de la culture du napolitain en général. Murtola le prit assez mal puis qu’il tenta de faire assassiner le napolitain et finit en prison… où Marino le remplaça quelques temps après, soit par un revirement des faveurs du protecteur, soit par l’effet d’un procès instruit à bas bruit par l’inquisition pour avoir composé des « poèmes obscènes et impies »[1]. le séjour carcéral dura un an.
A l’époque les conditions d’internement n’étaient pas des plus saines, ce qui explique sans doute la santé dégradée du poète, qui avait, par ailleurs, une solide réputation de débauché, et était probablement atteint de la syphilis. Cet état de santé, fruit d’une vie difficile et aventureuse transparait à travers les portraits du poète, en particulier celui de Pourbus, présenté dans l’exposition qui présente un homme vieilli avant l’âge, le visage émacié, les yeux creusés et rougis.
Libéré Marino passe encore quelques temps encore à Turin, publie le Rime, la Lira, et le Diciere sacre, produit des épithalames en grand nombre -au point d’en faire un recueil- pour de nombreuses familles princières, qui comprennent souvent des vers très lascifs qui seront réemployés dans l’Adone. Pour sa sécurité, il quitte cependant l’Italie et part pour Paris en 1615. A cette époque, la France est « italienne ». Depuis 1610 la régence est assurée par Marie de Médicis, qui a placé des florentins à tous les postes importants. L’italien est une langue couramment pratiquée par les élites[2].
Marino ne craint rien du pape à Paris et est pensionné par la cour à hauteur de 2000 écus par an. Il est reçu comme un prince dans tous les salons parisiens, en particulier dans celui de la marquise de Rambouillet. Il écrit même quelques lettres en français mêlé d’italien ce qui laisse supposer qu’il savait suffisamment l’idiôme local pour se faire comprendre mais devait néanmoins surprendre ses interlocuteurs. C’est dans cette ambiance qu’il met une dernière main à son grand œuvre, l’Adone, et fait publier en 1619 la Galleria, puis, en 1623, l’Adone qui bénéficie de l’aide du roi et est précédé d’une importante préface en français de Chapelain, qui décrit l’épopée comme « le poème de la paix ». En 1622, il fait la connaissance d’un peintre totalement inconnu, et qui n’a pas encore produit grand-chose de mémorable, Nicolas Poussin. S’ensuit un coup de foudre amical[3] qui pousse le vieux poète malade et souvent alité, à loger le jeune homme impétueux chez lui pendant une année et à le convaincre de l’accompagner à Rome.
Car, même traité comme un prince, il se sent exilé en France et souhaite retourner à Rome[4]. Maffeo Barberini, qu’il pense bien connaitre, est parvenu au pouvoir sous le nom d’Urbain VIII. il quitte Paris pour Rome sans même attendre la parution de l’Adone. Mal lui en prend, l’Inquisition reprend ses droits, lui mène la vie dure[5] et engage un autre dossier visant à la mise à l’index de l’Adone ; ce qui sera fait en 1627. Il quitte Rome sans attendre la fin des événements, ni l’arrivée de Poussin, pour Naples où il est accueilli en triomphe, mais, déjà très malade, meurt quelques mois plus tard. Comme Virgile, qui voulait qu’on détruisît l’Enéide, et Ovide qui demanda qu’on en fît de même avec les Métamorphoses, Marino souhaita qu’après sa mort une partie de son œuvre -les vers lascifs en particulier- fut brulée[6]. Il n’est pas certain que ses héritiers aient eu la lucidité de ceux de ses lointains confrères, pour ne pas suivre ses directives…
La Galleria
Imprimée à Venise, en 1619, après une longue gestation, la Galleria, est un ample recueil de plus de six cents poèmes, principalement des madrigaux et des sonnets, inspirés ou écrits en relation avec des d’œuvres d’art, réelles ou imaginaires ; propriété du poète ou pas. On peut dire que Marino a repris une tradition antique, celle des ekphrasis dont l’exemple le plus célèbre est le recueil de Philostrate qui avait été publié un siècle plus tôt ; mais aussi qu’il a anticipé de trois siècles le fameux, Musée imaginaire de Malraux. Elle anticipe aussi de 20 ans, une autre « galerie de papier », celle du marquis Vincenzo Giustiniani, publiée à Rome en 1640. Cette « galerie de poèmes » est en effet le reflet textuel d’une galerie imaginaire. L’édition aurait du être illustrée, enrichie de gravure « dessinées et sculptées » par ses amis peintres. Le rapport avec la galerie Giustiniani, où les antiques du marquis sont reproduits par les meilleurs graveurs de l’époque, eut été encore plus fort.
La galerie d’antiques de Giustiniani, dispersée par les mauvais vents de l’histoire, est devenue imaginaire, il n’en reste qu’un livre, celle de Marino, a toujours été une expérience de pensée. L’exposition, et c’est sans doute son principal intérêt se livre non pas à une reconstitution, puisque l’original n’a jamais existé ailleurs que dans l’esprit du facétieux poète vagabond mais à une évocation en mettant en rapport textes et images, en partant des textes pour proposer des œuvres. C’est une expérience intellectuelle fascinante qui met en acte, l’« Ut pictutra», horatien qui a accompagnée la peinture de la haute renaissance jusqu’au néoclassicisme.
La scénographie reprend plus d’une dizaines poèmes et les fait dialoguer avec une œuvre en rapport, incitant ainsi le visiteur à lire le poème de Marino, ce qui est une bonne chose, et à méditer ensuite sur le tableau ou la sculpture et parfois à procéder à quelques comparaison, paragone à l’italienne.
La confrontation entre les Andromèdes qui ouvre la visite est nettement favorable au cavalier. La pataude sculpture de Pietro Bernini, Bernin le père, est bien loin de la princesse dont la beauté, selon Ovide frappe Persée au point de lui faire risquer la chute[7], et à qui le poète rend un digne hommage.
En revanche, l’Ariane et Bacchus, attribué à Ludovic Carrache, est un plaisir pour les yeux. Le poète et le peintre, qui fut pendant 20 ans le patron de l’école bolonaise, se connaissaient bien et ont entretenu une correspondance[8]. Le tableau répond parfaitement au poème. On sent que la « fanciula addoloratta e sospirosa » va bien vite sécher ses larmes dans les bras du jeune dieu.
Cette voluptueuse et charnelle Madeleine de Luca Cambiaso, dont Marino connut l’œuvre très tôt, offre un contraste savoureux avec le poème qui évoque surtout les larmes. Mais cette tension entre la corporéité appétissante de la sainte et son regard tourné le ciel, ce combat entre le corporel et le spirituel est bien celui rendu par le poème avec sa série de d’oppositions et d’oxymores.
Le visiteur se laisse guider par les couples formés par les commissaires de l’exposition qui ont ainsi créé une symphonie concertante où peinture et poésie se répondent de salle en salle, avec un très beau Cavalier d’Arpin (Diane et Actéon), Rubens, Titien, Augustin Carrache, etc… Poussin, quatre ans avant sa mort avait assigné comme fin à la peinture, la délectation[9]; c’est bien de cela qu’il s’agit.
Le massacre des innocents
Les rapports avec la peinture de ce texte sont très différents. Ils tiennent d’abord à l’influence de certains tableaux ou gravures sur les poètes. Matthieu traite le sujet en 2 versets (Mat, 2:16-18) sans donner aucun détail. Les peintres, en particulier Raphael dont la composition a été popularisée par Raimondi, durent se montrer créatifs et ajouter de la chair à ce récit squelettique. Ces images, ont servi de support à l’imagination des poètes. Le thème bénéficia par ailleurs d’une actualité historique. En effet en 1566 les ottomans massacrèrent des adolescents à Chio, après les avoir torturés pour qu’ils abjurent la foi chrétienne. Ces nouveaux innocents appartenaient à des familles génoises, en particulier les Giustiniani.
C’est sans doute ce qui explique l’intérêt des grandes familles génoises ; les Doria, les Giustiniani pour le sujet et son « actualité » au début du XVIIe siècle, en particulier le grand tableau de Guido Reni de 1610-12, et celui de Giovan Battista Paggi qui est heureusement présenté dans l’exposition[10]. C’est dans ce contexte que Marino travailla longuement sur un grand poème qui ne fut publié qu’après sa mort (1632) mais dont il fit une lecture publique en 1623.
Les commissaires indiquent que pour la description du massacre, Marino s’est inspiré d’un tableau du Cavalier d’Arpino. Ce poème eut il à son tour un écho pictural ? Michael Szanto note dans notice consacré au tableau de Poussin du Petit Palais de Paris, que l’arrêt d’Hérode est placardé sur une colonne et que ce détail se trouve justement dans le texte de Marino !
Il est clair que la poésie de Marino est traversée d’accouplements contre nature entre cruauté et beauté, souffrance et plaisir, ce qui est un trait caractéristique du baroque et que le Massacre des innocents constitue sur ce point un thème de choix. Poussin fit pour Giustiniani un second massacre, justement célèbre, qui se trouve aujourd’hui au château de Chantilly, et dont Pietro Testa reprend en partie la structure. Ces œuvres attestent de la vitalité du thème au XVIIe siècle, un succès auquel la publication du chef-d’œuvre de Marino a peut-être contribué.
L’Adone
Le texte qui devait assurer la postérité du poète, ce poème colossal de 40 000 vers dans lequel Marino réécrit Ovide, l’Arioste, le Tasse et bien d’autres, comme Ovide avait réécrit Hésiode, Homère, ou Virgile, fut tué par l’Eglise qui en interdit l’accès. L’exposition présente deux exemplaires de l’éditio princeps, celui du roi Louis XIII, relié aux armes, et un autre exemplaire appartenant à la bibliothèque nationale de Rome, portant la mention, « Probito I classe » qui est comme la flétrissure dont les filles de joie étaient marquées à jamais.
Le texte ainsi mal traité eut il une influence sur les arts ? Peut-être, Poussin qui a souvent traité les amours de Vénus et Adonis, s’est-il souvenu de son vieux maître en particulier dans le tableau de Montpellier[11] qui montre le couple sur le point de faire l’amour. Ce tableau particulièrement voluptueux est comme une reprise des vers lascifs de Marino.
Marino, Caravage, Poussin
L’’exposition s’arrête sur les rapports du poète avec deux peintres. On suppose qu’il connut le premier lors de sont premier séjour à Rome. Le peintre fit en tout cas grande impression sur le poète qui lui consacra un texte dans la Galleria que cite le catalogue. Cette relation est illustrée par un très beau tableau attribué par le catalogue à Valentin, qui évoque la mort de Hyacinthe dans les bras d’Apollon. Dans cette très belle composition qui reprend l’enchevêtrement des corps du groupe sculpté Ménélas et Patrocle de la collection Médicis, avec son potentiel d’homoérotisme, la présence de deux raquettes de « pallacorda », rappelle de façon frappante les rapports et les jeux de Caravage avec son ami, amant, ennemi, rival et pour finir victime, Ranuccio Tomasoni comme l’évoque Patrizia Tosini dans le catalogue et qu’avait magnifiés le film de Derek Jarman.
Les rapports avec Poussin sont la note finale de l’exposition qui se conclue avec deux chefs-d’œuvre, l’Empire de Flore de Dresde et le Parnasse du Prado.
Il faut faire une mention spéciale pour le très riche catalogue qui comporte des essais remarquables des différents spécialistes qui ont contribué à l’exposition et qui présente en annexe une anthologie de 20 pages des textes de Marino.
Plaise à dieux que cette exposition passionnante marque le début d’un mouvement de redécouverte et de réappropriation de ce grand poète.
Philippe PREVAL Paris 22 Decembre 2024
Versione Italiana
La mostra curata da Emilio Russo, Patrizia Tosini e Andrea Zezza che la Galleria Borghese dedica al poeta Giambatista Marino, dimostra una virtù distribuita con parsimonia: il coraggio. Infatti, quando parliamo del poeta con un italiano, generalmente sentiamo la risposta: “ha scritto la poesia italiana più lunga”, e basta. Quando se ne parla in un’altra nazione, il suo nome non significa nulla. Marino è un poeta per accademici e curiosi. Scomparve dalla cultura francese nel periodo in cui lasciò Parigi per Roma. La sua cancellazione dall’Italia, aiutata dall’inserimento di Adone nella lista nera, richiese più tempo ma fu quasi completa entro la fine del secolo, anche nella sua nativa Napoli, dove era stato accolto trionfalmente dopo aver lasciato frettolosamente Roma e il termine marinaismo fu per secoli peggiorativo. In un libro recentemente dedicato ad Adone da una casa editrice italiana troviamo, come previsto, Teocrito, Bion e Ovidio, ma anche Ronsard, Shakespeare, La Fontaine e perfino Yeats, ma Marino è regalmente snobbato. Tuttavia, tutti quelli che lo conoscono, cioè pochissimi, concordano nel dire che è un grande poeta, un intellettuale eccezionale e un uomo che ha avuto un’importanza determinante nel suo tempo. È quindi doveroso e importante ricordarcelo attraverso questa mostra che è dedicata ai rapporti che ebbe con l’arte e gli artisti e che segue i suoi grandi testi e alcuni artisti che furono per lui particolarmente importanti. Per tutta la sua vita Giovan Battista Marino si appassionò alla pittura e alle arti visive in generale. Cambiando luogo di residenza secondo la buona volontà dei principi e gli accidenti della storia, costituì una raccolta di opere d’arte che non solo ammirò ma studiò e trascrisse in versi. La mostra esplora i legami tra poesia e pittura nell’opera del poeta e nel suo tempo, conferendo al verso fondamentale di Orazio, Ut pictura poesis erit, una significativa e tonificante attualità. Il visitatore è così invitato in un viaggio attraverso il Rinascimento e il Barocco, da Tiziano a Tintoretto, da Correggio a Carracci, da Rubens a Poussin, in compagnia del poeta.
Una vita romantica
Nato a Napoli nel 1569, lasciò il bozzolo familiare per non seguire gli studi di diritto ai quali era stato promesso, cosa che posso capire, e si dedicò alla poesia con sufficiente talento tanto che intorno al 1593 entrò alla corte di Matteo di Capua, principe di Conca. Questo rifiuto della carriera di avvocato in favore dell’amore delle Muse ricorda il suo lontano predecessore con il quale finirà per identificarsi, Ovidio. Per tutta la vita alternò il lusso delle corti principesche al disagio delle carceri. Iniziò infatti la sua carriera di delinquente poco dopo quella di poeta di corte e trascorse due soggiorni in prigione, il primo nel 1598, l’altro nel 1600, per accuse rimaste un po’ misteriose ma tanto gravi da meritare la pena di morte suo amico e complice. Non cercando un destino come François Villon, egli stesso pose fine alla sua seconda carcerazione fuggendo e fuggendo a Roma. C’è da credere che il periodo di prigionia, al quale purtroppo non dedicò alcuna poesia, a meno che non fossero scomparse, non influì troppo sulle sue buone maniere poiché nella città dei papi riprese presto le sue funzioni di poeta al soldo dai potenti, in questo caso, da Melchiorre Crescenzi, segretario di Clemente VIII e fu ammesso, dal 1602, al servizio del cardinale Pietro Aldobrandini, suo nipote. Fu a Roma che entrò a pieno titolo nel mondo letterario e artistico e indubbiamente conobbe Caravaggio. Come spesso accadeva all’epoca, la morte di un papa segnava la fine della prosperità dei suoi nipoti e dei loro protetti. Marino dovette seguire Aldobrandini a Ravenna, poi rimbalzando per varie città italiane, finì per trovare un nuovo protettore e una nuova casa nelle nebbie del Piemonte presso il duca Carlo Emanuele I di Savoia, di cui si era imprudentemente irriso il fisico. Non è sicuro che questa sia stata la sua prima scelta… In questa corte settentrionale di seconda importanza si trovò in forte opposizione con l’affermato poeta Gaspard Murtola, contro il quale scrisse una raccolta molto brutta e molto divertente, che a volte ricorda Rabelais , il Murtoleid. C’è da dire che Murtola l’aveva cercato, non esitando a mettere in discussione la profondità della padronanza del latino e della cultura del napoletano in generale. Murtola la prese malissimo poi tentò di far assassinare il napoletano e finì in prigione… dove Marino lo sostituì qualche tempo dopo, vuoi per un cambiamento nei favori del protettore, vuoi per effetto di un processo condotto in sordina dall’inquisizione per aver composto “poesie oscene ed empie”. la permanenza in prigione durò un anno. All’epoca le condizioni di internamento non erano delle più salubri, il che spiega senza dubbio la cagionevole salute del poeta, che godeva anche di solida fama di dissoluto, ed era probabilmente affetto da sifilide. Questo stato di salute, frutto di una vita difficile e avventurosa, traspare dai ritratti del poeta, in particolare quello di Pourbus, presentato nella mostra che presenta un uomo invecchiato anzitempo, dal volto emaciato, gli occhi infossati e il rossore.
Uscì per qualche tempo ancora a Torino il Marino, pubblicò le Rime, la Lira e il Diciere sacre, produsse epithalamia in gran numero – fino a costituirne una raccolta – per molte famiglie principesche, che comprendeva spesso versi molto lascivi che saranno riutilizzato in Adone. Per la sua sicurezza, però, lasciò l’Italia e si recò a Parigi nel 1615. A quel tempo la Francia era “italiana”. Dal 1610 la reggenza è assicurata da Maria de Medici, che pose i fiorentini in tutte le posizioni importanti. L’italiano è una lingua comunemente parlata dalle élite. Marino non teme nulla dal Papa a Parigi e viene messo in pensione dal tribunale per un importo di 2000 corone all’anno. Fu accolto come un principe in tutti i salotti parigini, in particolare in quello della marchesa di Rambouillet. Scrisse anche alcune lettere in francese misto a italiano, il che fa pensare che conoscesse abbastanza bene l’idioma locale da farsi capire ma dovette comunque sorprendere i suoi interlocutori. Fu in questo clima che diede gli ultimi ritocchi alla sua grande opera, l’Adone, e fece pubblicare nel 1619 la Galleria, poi, nel 1623, l’Adone che si avvalse dell’aiuto del re e fu preceduto da ‘un’importante prefazione’. in francese da Chapelain, che descrive l’epopea come “il poema della pace”. Nel 1622 conobbe un pittore completamente sconosciuto, che non aveva ancora prodotto nulla di memorabile, Nicolas Poussin. Ne segue un amichevole colpo di fulmine che spinge il vecchio poeta malato e spesso allettato a ospitare presso di sé per un anno l’irruente giovane e a convincerlo ad accompagnarlo a Roma. Perché, pur trattato come un principe, si sente esiliato in Francia e desidera tornare a Roma. Maffeo Barberini, che crede di conoscere bene, salì al potere con il nome di Urbano VIII. lasciò Parigi per Roma senza nemmeno attendere la pubblicazione dell’Adone. Gli va malamente contro, l’Inquisizione si riprende i suoi diritti, gli rende la vita difficile e avvia un altro caso volto a inserire Adone nella lista nera; cosa che avverrà nel 1627. Lascia Roma senza attendere la fine degli eventi, né l’arrivo di Poussin, per Napoli dove viene accolto trionfante, ma, già molto malato, muore pochi mesi dopo. Come Virgilio, che voleva che l’Eneide fosse distrutta, e Ovidio che chiedeva che lo stesso fosse fatto con le Metamorfosi, Marino volle che dopo la sua morte parte della sua opera, in particolare i versi lascivi, venissero bruciati. Non è detto che i suoi eredi abbiano avuto la lucidità di quelli di suoi lontani colleghi, per non seguire le sue direttive…
Invece Arianna e Bacco, attribuita a Ludovic Carracci, è un piacere per gli occhi. Il poeta e il pittore, che fu per vent’anni mecenate della scuola bolognese, si conoscevano bene e mantenevano una corrispondenza. Il dipinto risponde perfettamente alla poesia. Sentiamo che la “fanciula addoloratta e sospirosa” asciugherà presto le sue lacrime tra le braccia del giovane dio.
Questa voluttuosa e carnale Madeleine di Luca Cambiaso, la cui opera Marino conobbe molto presto, offre un delizioso contrasto con la poesia che evoca principalmente le lacrime. Ma questa tensione tra la corporeità appetitosa della santa e il suo sguardo rivolto al cielo, questa lotta tra il corporeo e lo spirituale è proprio quella resa dal poema con la sua serie di opposizioni e ossimori.
La strage degli innocenti
Ben diverso è il rapporto con la pittura di questo testo. Sono principalmente dovuti all’influenza di alcuni dipinti o incisioni sui poeti. Matteo tratta l’argomento in 2 versetti (Mt 2,16-18) senza fornire alcun dettaglio. I pittori, in particolare Raffaello la cui composizione fu resa popolare da Raimondi, dovevano essere creativi e aggiungere carne a questa storia scheletrica. Queste immagini servivano da supporto per l’immaginazione dei poeti. Il tema ha beneficiato anche della rilevanza storica. Infatti, nel 1566 gli Ottomani massacrarono gli adolescenti a Chios, dopo averli torturati affinché rinunciassero alla fede cristiana. Questi nuovi innocenti appartenevano a famiglie genovesi, in particolare ai Giustiniani. Questo è senza dubbio ciò che spiega l’interesse delle grandi famiglie genovesi; il Doria, il Giustiniani per il soggetto e la sua “attualità” all’inizio del XVII secolo, in particolare il grande dipinto di Guido Reni del 1610-12, e quello di Giovan Battista Paggi che è fortunatamente presentato in mostra. Fu in questo contesto che Marino lavorò a lungo su un grande poema che fu pubblicato solo dopo la sua morte (1632) ma che diede pubblica lettura nel 1623. I commissari segnalano che per la descrizione dell’eccidio Marino si ispirò a un dipinto del Cavaliere di Arpino. Questa poesia ha avuto a sua volta un’eco pittorica? Michael Szanto nota nella nota dedicata al dipinto di Poussin al Petit Palais di Parigi che il giudizio di Erode è inciso su una colonna e che questo dettaglio si trova proprio nel testo di Marino! È chiaro che la poesia di Marino è percorsa da accoppiamenti innaturali tra crudeltà e bellezza, sofferenza e piacere, che sono un tratto caratteristico del Barocco e che la Strage degli Innocenti costituisce su questo punto un tema privilegiato. Poussin compì per Giustiniani una seconda strage, giustamente famosa, che oggi si trova al castello di Chantilly, e di cui Pietro Testa riproduce in parte la struttura. Queste opere testimoniano la vitalità del tema nel XVII secolo, un successo al quale potrebbe aver contribuito la pubblicazione del capolavoro di Marino. L’Adonna Il testo che doveva assicurare la posterità al poeta, questo poema colossale di 40.000 versi in cui Marino riscrive Ovidio, Ariosto, Tasso e tanti altri, come Ovidio aveva riscritto Esiodo, Omero o Virgilio, è stato ucciso dalla Chiesa che ne vieta l’accesso . L’esposizione presenta due esemplari dell’edizione Princeps, quello del re Luigi XIII, legato allo stemma, e un altro esemplare appartenente alla Biblioteca nazionale di Roma, recante la menzione “Probito I classe” che è come il flagello di cui le ragazze della gioia furono segnati per sempre.
Il testo così mal trattato ha avuto un influsso sulle arti? Forse Poussin, che trattava spesso gli amori di Venere e Adone, ricordava in particolare il suo vecchio maestro nel dipinto di Montpellier che mostra la coppia in procinto di fare l’amore. Questo dipinto particolarmente voluttuoso è come una ripresa dei versi lascivi di Marino.
Marino, Caravaggio, Poussin
La mostra si concentra sul rapporto del poeta con due pittori. Si presume che abbia conosciuto il primo durante il suo primo soggiorno a Roma. In ogni caso il pittore fece una grande impressione al poeta che gli dedicò un testo nella Galleria citata nel catalogo. Questo rapporto è illustrato da un bellissimo dipinto attribuito dal catalogo a Valentin, che evoca la morte di Giacinto tra le braccia di Apollo. In questa bellissima composizione che riprende l’intrico dei corpi del gruppo scultoreo Menelao e Patroclo della collezione medicea, con le sue potenzialità omoerotiche, la presenza di due racchette di “pallacorda”, è un suggestivo richiamo ai rapporti e ai giochi di Caravaggio con il suo amico, amante, nemico, rivale e infine vittima, Ranuccio Tomasoni evocato da Patrizzia Tosini nel catalogo e magnificato dal film di Derek Jarmann.
Il rapporto con Poussin è la nota finale della mostra che si conclude con due capolavori, l’Impero della Flora di Dresda e il Parnaso del Prado. Una menzione speciale va fatta per il ricchissimo catalogo che comprende notevoli saggi dei diversi specialisti che hanno contribuito alla mostra e che presenta in appendice un’antologia di 20 pagine di testi di Marino. Sia merito di Dio che questa emozionante mostra segni l’inizio di un movimento di riscoperta e riappropriazione di questo grande poeta.
NOTE