Chefs d’œuvre de la collection Torlonia au Louvre. Un merveilleux voyage (jusqu’au 11 novembre 2024; texte original en français avec résumé en italien).)
On raconte qu’il y a quelques années, le prince Torlonia avait, chaque matin, l’habitude de sortir de son palais à cheval en compagnie de sa fille.
La promenade des deux cavaliers mêlait l’élégance et le charme des traditions intemporelles. Je ne sais si ces activités équestres se perpétuent mais il est une autre tradition des Torlonia, qui est, elle, bien vivante, celle de posséder, conserver et entretenir avec soin une fabuleuse collection d’antiques.
Collectionner les antiques distingue les familles princières italiennes depuis la Renaissance. Posséder des antiques était même une marque d’appartenance au petit monde de ces grandes familles, les Médicis, les Farnese, les Borghese, les Ludovisi, si bien que les maisons royales européennes envoyaient à Rome des ambassadeurs pour pouvoir en acquérir ou, à tout le moins, obtenir le droit de tirer des bronzes ou des plâtres. On se souvient que François 1ermandata le Primatice lui-même et que celui-ci revint avec quelques marbres dont la Diane de Versailles et surtout une dizaine de bronzes magnifiques qui sont aujourd’hui à Fontainebleau. Le goût pour l’Antique, qui est à l’origine des musées, est un élément fondateur de la culture occidentale. Collectionner et exposer des antiques c’était à la fois se rattacher de façon matérielle à la culture antique et à l’humanisme, manifester son appartenance à une communauté et favoriser la transmission vers les artistes contemporains des modèles esthétiques. Cette importance des marbres antiques, le plus souvent des copies d’époque romaine de bronze grecs, comme vecteur de civilisation, qui a perduré jusqu’au XIXe siècle, a été étudié en profondeur par les historiens d’art anglais Francis Haskell et Nicholas Penny dans plusieurs livres.
La saga des Torlonia, famille auvergnate, qui émigra en Italie, fit fortune à Rome et italianisa son nom est bien connue. Nombreuses sont les familles italiennes qui enrichirent les rangs de la noblesse française, les Luynes (Alberti), les Gondi, les Mazarin, en francisant leur nom d’un « y » ou d’une élision, pour qu’on note qu’une fois le voyage se fit en sens inverse. Dès que leur fortune fut solidement établie, les Torlonia commencèrent de rassembler des antiques.
La collection de sculpture antique romaine constituée durant tout le XIXe siècle à Rome est aujourd’hui la dernière qui soit encore en main privée. Les marbres Médicis sont aux Offices de Florence, ceux des Borghese au Louvre, la collection Farnese à Naples, les marbres Ludovisi au palazzo Altemps, ceux des papes au musée du Vatican, les marbres Torlonia sont chez les Torlonia. Constituée d’abord avec la collection du sculpteur Bartolomeo Cavaceppi, et complétée par des achats et des fouilles, la collection compte des pièces majeures de la collection Giustiniani, dont elle est par certains côtés l’héritière et d’autres de la collection Albani. Elle fut très tôt documentée et disposa d’un véritable catalogue. En ceci également, les Torlonia marchaient dans les pas du marquis Giustiniani, banquier comme eux, qui avait demandé au peintre Sandrart de dresser un catalogue illustré de sa collection. Celui-ci s’était entouré de dessinateurs et de graveurs talentueux et avait produit un ouvrage en deux tomes qui est un des premiers monuments de l’histoire de l’art.
Fig 2, premier catalogue du musée Torlonia envoyé au Louvre, avec des annotations manuscrites pour les dernières acquisitions; Fig 3, Hestia Giustiniani, gravure de Mellan. Joachim von SANDRART Galleria Giustiniana del Marchese Vincenzo Giustiniani, Rome, 1631; Fig 4 Hestia Giustiniani-Torlonia
Mais les élèves dépassèrent le maitre puisque dernière collection princière de Rome, née de l’amour pour la sculpture antique, la collection fit l’objet d’un musée aménagé par Alessandro Torlonia dès 1876, un musée privé capable de rivaliser avec les grands musées publics comme le musée du Vatican ou celui du Capitole et présentant d’authentiques chefs d’œuvre tels l’Hestia Giustiniani, le Caprone restauré par Le Bernin ou la tazza Cesi-Torlonia.
Le Louvre a donc eu une excellente idée d’accueillir un ensemble significatif de cette collection et surtout de la présenter non pas dans un banal lieu d’exposition anonyme mais dans les appartements d’été d’Anne d’Autriche tout juste restaurés. Le choix du lieu est doublement pertinent, d’une part ces appartements sont d’une décoration toute italienne scandée par les fresques magnifiques de Romanelli, qu’avait fait venir le Cardinal Mazarin, ne pouvant avoir Pierre de Cortone lui-même, d’autre part, le lieu est dévolu à l’exposition des antiques depuis la fin du XVIIIe siècle et la naissance du musée du Louvre. Cela fournit un écrin exceptionnel qui se combine parfaitement avec la collection.
L’exposition ne se contente pas d’exposer avec fastes des pièces remarquables comme les portraits romains ou les deux satyres, elle retrace l’histoire de la collection, longtemps exposée au Museo Torlonia, et les conditions dans lesquelles elle fut constituée à partir des d’œuvres sorties de terre parfois depuis le XVe ou le XVIe siècle et de pièces issues des fouilles menées par les Torlonia dans Rome ou ses environs immédiats au XIXe siècle.
S’appuyant sur la richesse de la collection l’exposition permet aussi de comprendre l’évolution du goût romain qui fit copier des œuvres archaïques (l’Hestia Giustiniani), des œuvres du premier classisme (une copie du Diadumène de Poylclète trouvée à la Cafarella en 1878), du second (les deux satyres d’après Praxitèle) ou de la période hellénistique (les Vénus accroupies).
La longue période pendant laquelle ont été découvertes les statues (du XVe au XIXe siècle) permet aussi d’étudier l’évolution de l’attitude des collectionneurs vis-à-vis des sculptures, partant d’interventions importantes allant jusqu’à la transformation pour se limiter aujourd’hui à rendre les œuvres compréhensibles sans pour autant les compléter d’une tête ou de membres irrémédiablement perdus.
L’exposition se termine dans la cour du sphynx qui est à l’origine un espace extérieur scandé par une façade de Le Vau.
Fig 14: Vénus accroupie, Rome, 1er siècle, d’après une oeuvre héllénistique, ancienne collection Giustiniani; Fig 15: la même Vénus. On peut voir l’importance des interventions demandées par Giustiniani à ses restaurateurs (parmi lesquels le grand sculpteur Duquesnoy); Fig 16 Vénus accroupie, Louvre. Découverte à Vienne en 1840 et entrée au Louvre en 1878. La période où on reconstruisait les statues étaient passée, les restaurations sont minimales.
On peut y admirer la fameuse tazza Cesi-Torlonia, cratère de marbre d’époque impériale, présentant une frise bachique qui est connu depuis le XVe siècle et dont l’un des tableaux présentant une nymphe épiée par des satyres a peut-être inspiré les œuvres de Poussin du début de son séjour romain.
Il est d’ailleurs à noter que jusqu’au XVIIIe siècle, la nymphe était encore … un hermaphrodite.
Pour une fois les restaurateurs n’ont pas rajouté des éléments manquants, mais effacé un détail gênant…
Ce travail de réassignation, montre que le rapport à l’antique est tout sauf un simple rapport de conservation et d’admiration passive. L’exposition montre d’ailleurs intelligemment quelques œuvres devant des dessins agrandis de Mateen van Hermskerk (vers 1530) dont celui de la villa Madama et celui de la villa Cesi qui permettent de se rendre compte de la façon dont étaient exposées les antiques au XVIe siècle. On y reconnait la Tazza Cesi et plus étonnement le Bacchus de Michel-Ange lui-même (Musée du Bargello, Florence) alors amputé de la main droite, sans doute pour « faire antique », démontrant au passage que l’excellence de l’art moderne était de réussir à se faire passer pour antique !
On ne saurait trop conseiller de laisser le spectacle des épreuves sportives pour se rendre au Louvre et admirer cette exposition magnifique, et plus d’une fois.
Philippe PREVAL Paris 4 Août 2024
Versione Italiana
Capolavori dalla collezione Torlonia al Louvre. Un viaggio meraviglioso (fino all’11 novembre 2024)
Si racconta che qualche anno fa il principe Torlonia avesse l’abitudine di uscire ogni mattina dal suo palazzo a cavallo in compagnia della figlia. La cavalcata dei due cavalieri univa l’eleganza e il fascino di tradizioni senza tempo. Non so se queste attività equestri continuino, ma esiste un’altra tradizione Torlonia, molto viva, quella di possedere, conservare e mantenere con cura una favolosa collezione di antichità.
Il collezionismo di antiquariato ha contraddistinto le famiglie principesche italiane fin dal Rinascimento. Possedere oggetti d’antiquariato era addirittura un segno di appartenenza al piccolo mondo di queste grandi famiglie, i Medici, i Farnese, i Borghese, i Ludovisi, tanto che le case reali europee inviavano ambasciatori a Roma per poterli acquisire o, quanto meno, per ottenere la possibilità di fare copie. Ricordiamo che Francesco I commissionò personalmente acquisti al Primaticcio e che questi ritornò con alcuni marmi tra cui la Diana di Versailles e soprattutto una decina di magnifici bronzi che oggi si trovano a Fontainebleau.
Il gusto per l’Antico, che è all’origine dei musei, è un elemento fondante della cultura occidentale. Collezionare ed esporre oggetti d’antiquariato era allo stesso tempo connettersi materialmente alla cultura antica e all’umanesimo, dimostrare la propria appartenenza ad una comunità e promuovere la trasmissione di modelli estetici agli artisti contemporanei. L’ importanza dei marmi antichi, il più delle volte copie di epoca romana di bronzi greci, come vettore di civiltà, che durò fino al XIX secolo, è stata studiata approfonditamente da storici dell’arte inglesi quali Francis Haskell e Nicholas Penny in diversi libri.
È nota la saga dei Torlonia, famiglia dell’Alvernia, che emigrata in Italia, fece fortuna a Roma e italianizzò il proprio nome. Sono molte le famiglie italiane che arricchirono le fila della nobiltà francese, i Luynes (Alberti), i Gondi, i Mazzarino, francesizzando il loro nome con una “y” o con un’elisione, sicché notiamo che un tempo il viaggio veniva compiuto nella direzione opposta.
Non appena le loro fortune furono consolidate, i Torlonia iniziarono a collezionare oggetti d’antiquariato. La collezione di scultura antica romana, costituitasi nel corso del XIX secolo a Roma, è oggi l’ultima ancora in mano a privati. I marmi dei Medici sono agli Uffici di Firenze, quelli dei Borghese al Louvre, la collezione Farnese a Napoli, i marmi Ludovisi a Palazzo Altemps, quelli dei Papi ai Musei Vaticani, invece i marmi Torlonia sono presso i Torlonia. Costituita inizialmente con la collezione dello scultore Bartolomeo Cavaceppi, e integrata da acquisti e scavi, la raccolta comprende importanti pezzi della collezione Giustiniani, di cui è per certi versi erede, e altri della collezione Albani. Di tutto esiste un vero e proprio catalogo. Anche in questo i Torlonia seguirono le orme del marchese Giustiniani, banchiere come loro, che aveva chiesto al pittore Sandrart di redigere un catalogo illustrato della sua collezione. Si circondò di disegnatori e incisori di talento e produsse un’opera in due volumi che è uno dei primi monumenti della storia dell’arte.
Ma gli allievi superarono il maestro poiché l’ultima principesca collezione di Roma, nata dall’amore per la scultura antica, fu oggetto di un museo allestito da Alessandro Torlonia nel 1876, un museo privato capace di competere con i grandi musei pubblici come i Musei Vaticani o i Musei Capitolini grazie ad autentici capolavori come l’HestiaGiustiniani, il Caprone restaurato dal Bernini o la tazza Cesi-Torlonia. Il Louvre ha quindi avuto un’ottima idea ad ospitare un nucleo significativo di questa collezione e soprattutto a presentarla non in un banale e anonimo spazio espositivo ma negli appartamenti estivi di Anna d’Austria, recentemente restaurati.
La scelta della sala è doppiamente rilevante, da un lato questi appartamenti presentano una decorazione tutta italiana scandita dai magnifici affreschi del Romanelli, che venne incaricato dal cardinale Mazzarino, non potendo avere lo stesso Pietro de Cortona; dall’altro, il luogo è stato dedicato all’esposizione di antichità dalla fine del XVIII secolo e dalla nascita del museo del Louvre. Ciò fornisce un ambiente eccezionale che si combina perfettamente con la collezione.
L’esposizione non si accontenta di esporre pezzi notevoli come i ritratti romani o i due satiri, ma ripercorre la storia della collezione, a lungo esposta al Museo Torlonia, e le condizioni in cui si costituiva a partire dalle opere rinvenute talvolta a partire dal XV secolo. o del XVI secolo e pezzi provenienti dagli scavi effettuati dai Torlonia a Roma o nei suoi immediati dintorni nel XIX secolo.
Attingendo alla ricchezza della collezione, l’esposizione permette anche di comprendere l’evoluzione del gusto romano che portò alla copia di opere arcaiche (l’Hestia Giustiniani), opere del primo classismo (una copia del Diadumenes di Poylcletus ritrovata alla Cafarella nel 1878 ), del secondo (i due satiri di Prassitele) o del periodo ellenistico (le Veneri accovacciate). Il lungo periodo durante il quale le statue furono rinvenute (dal XV al XIX secolo) permette anche di studiare l’evoluzione dell’atteggiamento dei collezionisti nei confronti delle sculture, partendo da interventi significativi arrivando fino alla trasformazione per limitarsi oggi a realizzare opere senza integrarle con una testa o arti irrimediabilmente perduti.
La mostra si conclude nel cortile della Sfinge, originariamente uno spazio all’aperto scandito da una facciata di Le Vau. Qui si può ammirare la famosa tazza Cesi-Torlonia, cratere marmoreo di epoca imperiale, che presenta un fregio bacchico noto fin dal XV secolo e uno dei cui dipinti raffiguranti una ninfa spiata dai satiri potrebbe aver ispirato le opere di Poussin, dall’inizio del suo soggiorno a Roma. Da notare inoltre che fino al XVIII secolo la ninfa era ancora … ermafrodita. Per una volta i restauratori non hanno aggiunto elementi mancanti, ma hanno cancellato un dettaglio imbarazzante … Questo lavoro di ricomposizione dimostra che il rapporto con l’antico è tutt’altro che un semplice rapporto di conservazione e ammirazione passiva.
L’esposizione presenta inoltre in modo intelligente alcune opere davanti a disegni ingranditi di Mateen van Hermskerk (intorno al 1530) tra cui quello di Villa Madama e quello di Villa Cesi che permettono di vedere il modo in cui venivano esposte le antichità nel XVI secolo. secolo. Riconosciamo la tazza Cesi e, cosa più sorprendente, il Bacco dello stesso Michelangelo (Museo del Bargello, Firenze) a cui venne poi amputata la mano destra, senza dubbio per “sembrare antico”, dimostrando di sfuggita che l’eccellenza dell’arte moderna era riuscire a spacciarsi per antico!
Non possiamo che raccomandare di lasciarvi alle spalle lo spettacolo degli eventi sportivi per andare al Louvre e ammirare questa magnifica mostra, e più di una volta.
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