Donner et recevoir la mort : le « processus créatif » de Caravage comme résultat d’éléments psychotiques. Un livre qui ouvre la voie à des évolutions imprévisibles (texte original en français avec résumé en italien).

di Philippe PREVAL

Donner et recevoir la mort : le « processus créatif » du Caravage comme résultat d’éléments psychotiques. Un livre qui ouvre la voie à des évolutions imprévisibles.

Dare e ricevere morte: il “processo creativo” di Caravaggio come frutto di elementi psicotici. Un libro che apre la strada a sviluppi imprevedibili.

Gras, hirsute, sale, vêtu de haillons noirs, le sourcil broussailleux, c’est par ce portrait qui pourrait être celui d’un sanglier ou d’un clochard, mais qui est celui du célèbre peintre, dressé par le barbier Marco Romano[1] lors de son interrogatoire devant le tribunal du gouverneur de Rome les 11 et 12 juillet 1597, à la suite d’une altercation avec un forgeron, que s’ouvre le livre très original de Giuseppe Resca, Caravaggio, il processo creativo.

Ce livre se distingue des 400 autres sur le même peintre qui ont été publiés dans les douze derniers mois par le fait qu’il s’intéresse d’abord au mode de création de l’artiste et ensuite aux éléments psychotiques qui le sous-tendent.

Giuseppe Resca est en effet un psychiatre et psychothérapeute connu comme érudit et grand collectionneur d’art ancien.

Ce n’est pas dans ce livre qu’on trouvera les envolées lyriques habituelles, les panégyriques romantiques, les dissertations attributives ou les enquêtes policières qui sont si fréquentes sur le sujet.

Comme un joueur d’échec sûr de sa force, qui ne perd pas son temps en élaborant une ouverture compliquée mais sort directement ses pièces et attaque le roi, Resca attaque directement son sujet :

« Est-il possible que le processus créatif d’un artiste procède d’une insatisfaction personnelle, d’un sentiment de soi tourmenté, de la frustration d’une réalité qui ne permet pas de se sentir libre, en tant qu’individu, homme, personne, sujet ? Peut-être qu’à la base de tout Idéal du Moi se trouve un état de souffrance psychique. Mais est-il possible qu’une condition de véritable aliénation, en plus des prérogatives ‘neuropsychologiques’ subjectives indispensables, prédispose à la formation d’un grand artiste ? Peut-être que cela ne s’applique pas à tout le monde. Mais spécifiquement à propos du Caravage, ne pourrait-on pas émettre l’hypothèse d’une sorte de défaut somatique congénital, réel ou perçu, de nature à générer un sentiment d’infériorité[2]? ».

Pour l’Auteur, Caravage est traversé par deux champs de force ; d’une part, un processus de création par certains côtés « miraculeux », en particulier par son extraordinaire force réaliste et ce que l’auteur appelle « la capacité surhumaine du peintre à donner forme à l’illusionnisme »[3] et d’autre part un « non-processus », délétère dans ses conséquences mortifères. Ce qui conduit à supposer

«deux identités diamétralement opposées et irréductibles l’une à l’autre, mais parfaitement cohérentes entre elles et co-présentes chez une même personne ».

il était un artiste, aspirant à l’Immortalité, qui cohabitait avec un individu médiocre, recherchant une mort infamante, sans que jamais les deux personnalités ne fusionnent.

Dans un premier livre [4], Resca avait établi le profil de l’artiste, au sens psycho-policier du terme, dans celui-ci, il vise à expliquer son processus créatif sans se départir de son approche (ni de son vocabulaire !) psychiatrique. Pour ce faire en une vingtaine de chapitres qui sont autant d’essais qui peuvent se lire de façon autonome mais contribuent chacun à la thèse de l’auteur, il commente, de façon très structurée, les principaux tableaux les plus importants du maître, apportant le plus souvent des éclairages tout à fait novateurs et intéressants sur des œuvres connues de tous les amateurs.

Une expression résume ce que Resca pense du peintre:  la vérité des choses. Il l’exprime à plusieurs reprises, en particulier page 83 :

“ Lorsque le Caravage peint, il n’a qu’un seul but, et qu’une seule matrice : la vérité des choses. Et s’il peint des nus (l’Amour victorieux, l’Enfant Saint Jean au Capitole), c’est parce que la nudité est un moyen de révéler une vérité de la chose peinte“[5].

Le Petit Bacchus malade[6], est l’une des premières toiles documentées du peintre (1593-1594). C’est le premier commentaire de Resca et un bon exemple de sa méthode.

Caravaggio, Bacchino malato, Roma, Galleria Borghese.

Dans ce tableau où, il s’est pris pour modèle, ce qui ne signifie pas qu’il s’agisse d’un autoportrait, on souligne souvent les aspects autobiographiques, les difficultés matérielles, la maladie, le teint gris du modèle, la pauvreté soulignée par les quelques fruits médiocres… Les commentateurs d’inspiration romantique, y voient une préfiguration de la vie de bohème des peintres du XIXe siècle. Pour Resca, il s’agit avant tout pour l’artiste qui est alors cantonné à peindre des fleurs, des fruits et des légumes dans l’atelier du Cavalier d’Arpin, de démontrer sa capacité à peindre la figure humaine, et pas seulement des natures mortes. La médiocrité des fruits représentés serait aussi une critique vis-à-vis de son patron qui le reléguait à des tâches subalternes.

Un critique disait que Maria Callas était un personnage inventé par Sophia Cecilia Kalogeropoulos pour qu’elle puisse supporter sa vie. Pour littéraire que soit ce commentaire, il est souvent vrai pour nombre d’artistes et ce tableau est tout simplement, l’acte de naissance de Caravage. Comme dit l’auteur :

« en peignant le Bacchino, Caravage … change d’identité, … c’est le tableau qui baptise Caravage, et non l’inverse ».

La tête de Méduse [7] est selon l’auteur, l’œuvre la plus « magnétique » du peintre. C’est une commande du cardinal Francesco Maria del Monte pour le grand-duc de Toscane.

Caravaggio, Medusa, Firenze, Galleria degli Uffizi

Si le peintre s’est conformé aux représentations canoniques de la scène, il a tout de même changé un élément important : le visage de la Gorgone est masculin ; Caravage s’y serait pris pour modèle :

« Au-delà de l’importance, il est difficile d’imaginer une autre raison fiable pour l’autoportrait que le peintre insère : comme s’il se substituait lui-même à la Gorgone, en tant qu’auteur et victime d’un des mythes les plus efficaces de l’Antiquité »[8].

Si l’on suit Resca, cette insertion du peintre dans la figure de la Gorgone décapitée, n’est autre qu’une prémonition hallucinatoire de son destin de meurtrier assassiné, une expression de sa nature profonde de meurtrier qui est alors non exprimée mais déjà présente. Resca propose une lecture neuropsychiatrique comme étant la seule qui puisse apporter une réponse à la question que pose cette présence du peintre dans son tableau. Caravage

« n’est coupable de rien, sauf de sa nature de monstre, qui justifie au monde le caractère inévitable de ses pulsions meurtrières. D’ailleurs, tous les meurtriers psychopathes ne disent-ils pas ça ? C’est la Nature qui agit et l’homme souffre ».

Le texte de Resca n’est pas seulement basé sur des promenades dans les grands musées ou de longues séances de lecture dans des bibliothèques, il est surtout le résultat de son expérience de psychiatre, de thérapeute au plus près de ses patients. Quand il parle de phénomène hallucinatoire, ce n’est pas une simple expression, c’est pour lui une réalité concrète qu’il peut décrire en homme de science :

« il s’imprime sur les yeux exactement comme la tête de Méduse s’imprime sur la vue. Et il y reste des heures sans jamais le quitter. Je connais des gens qui se sont même arraché les yeux, juste pour mettre un terme à ce qu’ils ont vu… dans les véritables hallucinations, les yeux continuent à voir même lorsqu’ils sont fermés ».

Assassin à Rome, fuyard, risquant la décapitation anticipée par la Méduse mais qui se retrouve aussi dans le David ou le Judith et Holopherne, Caravage devient un errant. Pour Resca

« la série d’identités évolutives qui traversent la personnalité du Caravage et se traduisent dans les œuvres qu’il peint (c’est-à-dire son processus créatif) anticipe et précède l’événement crucial de sa vie : le meurtre de Ranuccio Tomassoni en 1606. Mais c’est le meurtre lui-même qui constitue désormais le moteur de son processus créatif, qu’il élaborera continuellement dans une succession d’identités à venir dont la première est précisément celle d’un meurtrier».

Après l’épisode de Naples, Caravage se rapproche de l’ordre de Malte. Le concept même de Chevalier fascine le peintre. Le chevalier c’est, l’épée, la violence légitime, l’affirmation de cette légitimité, c’est l’aristocratie, l’aristophilie, l’appartenance aux « meilleurs ». Resca cite Freud, on peut aussi citer le Nietzche de la Généalogie de la morale, cette identification du bon au fort. Mais, c’est surtout, et en cela la vilénie de son deuxième caractère le tient et l’entraîne vers la mort, le rêve de l’impunité. Resca remarque qu’il se représente souvent en homme d’épée avec la fascination de ces costumes qu’il produit en abondance dans ses peintures. Il souffre de ne pas appartenir lui-même à ce monde où règne l’impunité. Cependant

« même vouloir être chevalier, comme tout le reste, est une identité à mi-chemin entre le processus meurtrier et le processus créateur : la Bonne Fortune en est un exemple, avec la déception qu’elle promet au porteur de l’épée. »

Devenu chevalier de Malte, et auteur du portrait du grand maître Vignacourt, la pulsion criminelle ne le quitte pas pour autant. Par contrat, il s’est engagé à peindre la Décapitation du Baptiste pour le maître-autel de l’Oratoire de San Giovanni dei Cavalieri.

Caravaggio, Decapitazione di San Giovanni Battista, La Valletta, Concattedrale di San Giovanni

Cette peinture dépasse tout ce qu’il avait fait et est toujours aujourd’hui un des tableaux les plus impressionnants de l’histoire de l’art. Comme l’écrit Resca

« comme toujours, il est capable de transformer la mort de l’âme en une peinture fantastique, qui parle de la mort, mais aspire à l’éternité que donne l’Art : la Décapitation du Baptiste. Éternel précisément parce qu’il n’y a pas un seul centimètre dans cette immense toile qui ne respire la mort authentique. Et je ne trouve aucune autre expression artistique dans l’histoire de l’art, qu’il s’agisse d’une peinture ou d’un objet, aussi efficace pour évoquer la mort. La mort est simple : elle survient en un instant et dure pour toujours. Certainement dans le souvenir féroce que la vue du Caravage a laissé derrière lui : non pas dans l’acte de tuer, qui l’exaltait en fait, mais dans ce qu’il génère ensuite, s’il change votre vie. »[9].

Ce tableau, où il « joue » le précurseur, anticipe son emprisonnement à Malte et sa déchéance[10] dont les raisons restent obscures, sa mort sociale définitive et sa fin lamentable sur les côtes toscanes.

Il lui reste un grand chef-d’œuvre, le Lazare de Messine que l’auteur [11], considère comme « un point de non-retour » et

«une résurrection ratée, car elle n’inaugure ni une nouvelle phase du processus créatif de l’artiste, ni un retour à la normalité dans son processus mental».

Sur ce point, nous nous permettons de ne pas le suivre.

Marqué par une approche quasi « optique » de la peinture, presque scientifique, Caravage comme le montre Resca est un homme-monde, traversé par tous les courants de son époque et terrassé par ses propres passions. Lire son livre relève d’une véritable expérience de vie et ouvre des horizons insoupçonnés.

Philippe PREVAL  Paris  3 Mars 2024

NOTE

[1] « Ce peintre est un jeune homme de vingt ou vingt-cinq ans avec une petite barbe noire, grassouillet avec de gros sourcils et des yeux noirs, qui va en noir plutôt mal habillé, avec un caleçon noir élimé et qui porte les cheveux Long qui lui tombent sur les yeux. »  “Questo pittore è un giovenaccio grande di vinti o vinticinque anni con poco di barba negra grassotto con ciglia grosse et occhio negro, che va vestito di negro non troppo bene in ordine che portava un paro di calzette negre un poco straccione che porta li capelli grandi longhi dinanzi”
[2] p. 11: È  possibile che il processo creativo di un artista proceda da una insoddisfazione personale, da un sentimento di sé tormentoso, dalla frustrazione di una realtà che non consente di sentirsi libero, come individuo, uomo, persona, soggetto?
Forse alla base di ogni Ideale dell’Io vi è uno stato di sofferenza psichica. Ma è possibile che una condizione di vera e propria alienazione, oltre alle indispensabili prerogative neuropsicologiche soggettive, predisponga alla formazione di un grande artista?
Magari non vale per tutti. Ma nello specifico di Caravaggio, non si potrebbe ipotizzare una sorta di difettualità somatica congenita, reale o percepita, tale da generare un sentimento di minorità?
[3] p. 33: la capacità sovrumana del pittore di dare forme all’illusionismo
[4] Riesca, Caravaggio profiling, Roma, 2022.
[5] Quando Caravaggio dipinge ha una sola meta, e una sola matrice: la verità delle cose. E se dipinge dei nudi (l’Amor vincitore, il San Giovannino ai Capitolini) è perché la nudità è un tramite per rivelare una verità della cosa dipinta.
[6] Galerie Borghèse, Rome.
[7] Musée des Offices, Florence.
[8] p. 29 : A parte l’importanza, è difficile immaginare altro motivo attendibile a dare ragione dell’autoritratto che il pittore inserisce: come se lui stesso prendesse il posto della Gorgone, quale autore e vittima di uno dei più efficaci miti dell’antichità.
[9] p. 113
[10] sanctionnée par un édit de la congrégation: « membrum putridum et foetidum », sentence sans appel qui le condamne à mort et le prive du titre de Chevalier précédemment obtenu.
[11] p. 131.

Versione Italiana

“Grasso, irsuto, sporco, vestito di stracci neri, con le sopracciglia folte”. Con questo ritratto -che potrebbe essere quello di un cinghiale o di un vagabondo- viene raffigurato Caravaggio dal barbiere Marco Romano durante il suo interrogatorio davanti al tribunale del governatore di Roma l’11 e 12 luglio 1597, in seguito ad un alterco con un fabbro, si apre l’originalissimo libro di Giuseppe Resca, Caravaggio, il processo creativo. Questo libro si differenzia dagli altri 400 pubblicati negli ultimi dodici mesi sullo stesso pittore per il fatto che si interessa innanzitutto alle modalità creative dell’artista in relazione agli elementi psicotici che ne sono alla base. Giuseppe Resca in effetti è uno psichiatra psicoterapeuta molto noto come studioso e come grande collezionista d’arte antica. Quindi in questo libro non troveremo voli di fantasia lirici, nè panegirici romantici, con le dissertazioni attributive così frequenti sull’argomento.
Come un giocatore di scacchi sicuro delle sue forze, che non perde tempo a sviluppare un’apertura complicata ma tira fuori direttamente i suoi pezzi e attacca il re, Riesca attacca direttamente il suo soggetto:
“È possibile che il processo creativo di un artista provenga da un processo personale? dall’insoddisfazione, da un tormentato senso di sé, dalla frustrazione di una realtà che non permette di sentirsi liberi, come individuo, uomo, persona, soggetto?
Forse alla base di ogni Ideale dell’Io c’è uno stato di sofferenza psicologica. Ma è possibile che una condizione di vera alienazione, oltre alle essenziali prerogative soggettive “neuropsicologiche”, predisponga alla formazione di un grande artista? Forse questo non vale per tutti. Ma proprio per quanto riguarda Caravaggio, non si potrebbe ipotizzare una sorta di difetto somatico congenito, reale o percepito, atto a generare un senso di inferiorità? “.
Per Resca Caravaggio è attraversato da due campi di forza: da un lato, un processo creativo per certi versi “miracoloso”, in particolare per la sua straordinaria forza realistica e per quella che l’autore definisce “la capacità sovrumana del pittore di dare forma all’illusionismo” e dall’altro un “non -process”, deleterio nelle sue conseguenze mortali. Il che porta a supporre “due identità diametralmente opposte e irriducibili tra loro, ma perfettamente coerenti tra loro e compresenti nella stessa persona”. Dunque un artista, aspirante all’immortalità, che conviveva con un individuo mediocre, ricercando una morte infame, senza che le due personalità si potessero mai fondere
In un primo libro, l’autore aveva stabilito il profilo dell’artista, nel senso psico-poliziesco del termine, proponendosi di spiegare il suo processo creativo senza allontanarsi dal suo approccio psichiatrico (e nemmeno dal suo vocabolario!).
Per fare questo in una ventina di capitoli che sono tanti saggi che si possono leggere indipendentemente ma che contribuiscono ciascuno alla tesi dell’autore, egli commenta, in modo molto strutturato, i principali e più importanti dipinti del maestro, riportando il più delle volte approfondimenti del tutto innovativi e interessanti su opere note a tutti gli amatori. Una espressione riassume ciò che Resca pensa del pittore: la verità delle cose. Lo esprime più volte, in particolare a pagina 83:
“Quando Caravaggio dipinge, ha un solo obiettivo, e una sola matrice: la verità delle cose.
E se dipinge nudi (Amore vittorioso, San Giovannino dei Capitolini), è perché la nudità è un mezzo per rivelare una verità della cosa dipinta. Il Bacchino malato è uno dei primi dipinti documentati del pittore (1593-1594 ed è il primo ad essere commentato, quindi un buon esempio del suo metodo. Di questo dipinto in cui Caravaggio si è preso a modello, il che non vuol dire che sia un autoritratto, spesso si sottolineano gli aspetti autobiografici, le difficoltà materiali, la malattia, la carnagione grigia, la povertà evidenziata dai pochi frutti mediocri… I commentatori di ispirazione romantica lo vedono come una prefigurazione della vita bohémien dei pittori del XIX secolo. Per Resca si tratta invece soprattutto della volontà di dimostrare la capacità di dipingere la figura umana, e non solo le nature morte. La mediocrità dei frutti rappresentati sarebbe anche una critica al suo capo che lo relegava a compiti umili. Un critico ha detto che Maria Callas era un personaggio inventato da Sophia Cecilia Kalogeropoulos in modo che potesse affrontare la sua vita. Per quanto letterario possa essere questo commento, spesso è vero per molti artisti e questo dipinto è semplicemente l’atto di nascita di Caravaggio. Come dice l’autore:
“Dipingendo Bacchino, Caravaggio… cambia la sua identità,… è la pittura che battezza Caravaggio, e non il contrario”.
La testa di Medusa è, a suo parere, l’opera più “magnetica” del pittore. Fu commissionato dal cardinale Francesco Maria del Monte per il Granduca di Toscana. Se il pittore si conforma alle rappresentazioni canoniche della scena, modifica comunque un elemento importante: il volto della Gorgone è maschile; Caravaggio lo avrebbe preso a modello:
“Al di là dell’importanza, è difficile immaginare un altro motivo attendibile per l’autoritratto che il pittore inserisce: come se si sostituisse alla Gorgone, in quanto autore e vittima di uno dei miti più efficaci dell’antichità”.
Se seguiamo Resca, questo inserimento del pittore nella figura della Gorgone decapitata non è altro che un’allucinatoria premonizione del suo destino di assassino assassinato, espressione della sua profonda natura di assassino allora inespressa ma già presente.
L’autore propone una lettura neuropsichiatrica come l’unica in grado di fornire una risposta alla domanda posta da questa presenza del pittore nella sua pittura. Caravaggio, scrive, “non è colpevole di nulla, tranne della sua natura di mostro, che giustifica al mondo l’inevitabilità dei suoi impulsi omicidi. Inoltre, non dicono così tutti gli assassini psicopatici? È la Natura che agisce e l’uomo soffre”.
Questo libro insomma non nasce solo dalle passeggiate nei grandi musei o da lunghe sessioni di lettura nelle biblioteche, è soprattutto il risultato della lunga esperienza di psichiatra dell’autore, di terapeuta che lavora a stretto contatto con i suoi pazienti.
Quando parla di fenomeno allucinatorio non usa una semplice espressione, bensì una realtà concreta che può descrivere da uomo di scienza: “è impresso negli occhi esattamente come lo è la testa di Medusa. E resta lì per ore senza mai uscirne. Conosco persone a cui si sono addirittura cavati gli occhi, pur di porre fine a ciò che vedevano… nelle vere allucinazioni, gli occhi continuano a vedere anche quando sono chiusi.” Assassino a Roma, fuggitivo, che rischia la decapitazione anticipata come nella della Medusa ma che si ritrova anche nel David o in Giuditta e Oloferne, Caravaggio diventa un vagabondo”.
Per Resca “la serie di identità in evoluzione che attraversano la personalità di Caravaggio e si traducono nelle opere che dipinge (cioè il suo processo creativo) anticipa e precede l’evento cruciale della sua vita: l’omicidio di Ranuccio Tomassoni nel 1606. Ma è il l’omicidio stesso che costituisce ormai il motore del suo processo creativo, che svilupperà continuamente in un susseguirsi di future identità, la prima delle quali è proprio quella di assassino”.
Dopo l’episodio di Napoli, Caravaggio si avvicina all’Ordine di Malta; è la stessa idea di Cavaliere che lo affascina perché cavaliere è la spada, la violenza legittimata, e l’affermazione di questa legittimità è l’aristocrazia, l’aristofilia, l’appartenenza al “migliore”.
Resca cita Freud, possiamo citare anche la Genealogia della morale di Nietzche, con l’ identificazione del buono con il forte. Ma soprattutto, e in questo la bassezza del suo secondo personaggio lo trattiene e lo trascina verso la morte, il sogno dell’impunità. Resca nota che spesso Caravaggio si rappresenta come uno spadaccino affascinato dai costumi che riproduce in abbondanza nei suoi dipinti. Soffre di non appartenere a questo mondo dove regna l’impunità. Ma «anche voler essere cavaliere, come ogni altra cosa, è un’identità a metà tra il processo omicida e il processo creativo: la Buona Sorte ne è un esempio, con la delusione che promette al portatore di spada»
Divenuto Cavaliere di Malta e autore del ritratto del Gran Maestro Vignacourt, l’impulso criminale non lo abbandona. Per contratto si impegnò a dipingere la Decollazione del Battista per l’altare maggiore dell’Oratorio di San Giovanni dei Cavalieri. Questo dipinto supera qualsiasi cosa avesse fatto ed è ancora oggi uno dei dipinti più impressionanti della storia dell’arte; come dice Resca: “Come sempre, riesce a trasformare la morte dell’anima in un dipinto fantastico, che parla della morte, ma aspira all’eternità che l’Arte dona: la Decollazione del Battista. Eterna proprio perché non c’è un solo centimetro di questa immensa tela che non respiri autentica morte. E non riesco a trovare nessun’altra espressione artistica nella storia dell’arte, sia esso un dipinto o un oggetto, che sia altrettanto efficace nell’evocare la morte. La morte è semplice: avviene in un istante e dura per sempre. Sicuramente nel ricordo feroce che la vista di Caravaggio ha lasciato: non nell’atto di uccidere, che infatti lo esaltava, ma in quello che genera dopo, se ti cambia la vita».
Questo dipinto, dove “recita” il precursore, l’artista anticipa la sua prigionia a Malta e il suo declino, la sua definitiva morte sociale e la sua deplorevole fine sulle coste toscane. Gli resta un grande capolavoro, la Resurrezione di Lazzaro di Messina, che l’autore considera “un punto di non ritorno” e “una resurrezione fallita, perché non inaugura una nuova fase del processo creativo dell’artista, né un ritorno alla normalità nel suo processo mentale”.
Su questo punto ci permettiamo di non seguirlo. Segnato da un approccio quasi “ottico” alla pittura, quasi scientifico, Caravaggio, come mostra Resca, è un uomo-mondo, attraversato da tutte le correnti del suo tempo e travolto dalle sue stesse passioni. Leggere il suo libro è un’esperienza di vita reale e apre orizzonti insospettabili.

P P