“Histoire de Pierres”. Villa Medici 200 chefs-d’œuvre de Reni à Hirst en passant par Rodin et Picasso ( jusqu’au 14 janvier. Texte original en français et version italienne).

di Philippe PREVAL

Histoire de Pierres

Villa Médicis

Commissariat : Jean de Loisy & Sam Stourdzé

Il y a des expositions qu’il faut voir, mais il y en a qu’il faut voir absolument, qu’il faut courir voir et revoir. Il reste une quinzaine de jours pour trouver un métro, un avion, un train ou une chaise de poste qui permette de se rendre à la Villa Médicis, pour y retrouver Histoire de Pierres, une exposition conceptuelle qui reprend la pensée du grand écrivain Roger Caillois et la redéploye 45 ans après sa mort dans notre propre monde.

Caillois était un personnage étrange, surréaliste mais bourgeois, poète mais normalien, dilettante à géométrie variable mais sociologue ayant étudié à l’école pratique des hautes études, haut fonctionnaire de l’Unesco mais ayant pris le risque de rejoindre la France libre parmi les premiers. De taille à se mesurer avec Breton, il quitta le mouvement en 1935, après trois ans de participation et d’intense fréquentation. Il avait alors 22 ans. Peut-être parce qu’il fut élevé à Reims, dans une ville en ruine, où les joyaux de l’art gothique avaient été transformés en rocs éventrés qui rappelaient les déchirures des dolomites, la passion pour les pierres semble avoir gagné très tôt l’écrivain, au même titre que le chef atrabilaire du surréalisme. L’un comme l’autre, étaient fascinés par leur pouvoir sur l’imagination.

Etudiant les rapports entre pierres et imagination, entre pierres et beauté, cette beauté sans signification, entre pierres et art, Caillois étudiait l’art, la beauté, la civilisation, l’homme mais aussi la minéralogie. Il consacra à ces études plusieurs textes, parmi lesquels, Pierres, un recueil de poèmes de 1966 et surtout l’essai, l’Écriture des pierres de 1970.

Echo inattendu et fractal de la très belle exposition de la galerie Borghèse de l’an passé, Meraviglia senza tempo. Pittura su pietra a Roma tra Cinquecento e Seicento, organisée par Francesca Cappelletti et Patrizia Cavazzini, qui avait présenté un panorama inégalé de pierres peintes, l’exposition chemine en compagnie de la pensée de Caillois mais dans une contemporanéité affirmée, en reprenant quelques grands domaines, comme les pierres phénomènes naturels immémoriaux -Caillois avait une conscience intime de l’antiquité absolue et de la primauté des pierres[1]-, les cristaux comme architecture, les pierres à figures, les pierres comme talisman ou comme objet sacré…

L’exposition fait une large part à la collection de l’écrivain qui est presque entièrement conservée au Museum d’Histoire Naturelle, mais elle est loin de s’y limiter.

Figure 1 Agathe du Brésil, Museum d’Histoire naturelle, ancienne collection Roger Caillois.

Convoquant quelques chefs-d’œuvre de la peinture classique comme le David de Guido Reni, voisinant avec des images de manifestants, nouveaux David, jetant des pierres sur les forces de l’ordre, le Sacré-Cœur de Picasso, concrétion rocheuse architecturée ou La Pensée, d’Auguste Rodin, figure émergeant d’un bloc de pierre, elle montre les différentes modalités du dialogue entre pierres et arts ou pierres et artistes.

Figure 2: Guido Reni, David, Paris, Louvre.
Figure 3: Pablo Picasso, Sacré-Coeur, Musée Picasso

Une « matériologie » de Dubuffet rappelle l’époque où le peintre utilise sable, gravier, goudron, plâtre, asphalte, ou de simples cailloux, qu’il broie, cuisine, puis mélange et travaille à truelle, au couteau ou avec une brosse métallique ou pétrit de ses propres mains, pour « construire » des tableaux sur des toiles de jute.

Figure 4 Jean Dubuffet, Pierre de Dordogne, Fondation Dubuffet.

Les paesine, ces pierres de paysages ou de ruines, qu’on trouve depuis toujours sur les bords de l’Arno, figurent évidemment en bonne place. Elles sont « au naturel » ou transfigurées par un artiste, comme la Prise de Jérusalem d’Antonio Tempesta, qui a heureusement fait le voyage de la Villa Borghèse à la villa Médicis.

Figure 5: la Prise de Jérusalem, Antonio Tempesta, Galerie Borghèse

Mais, et c’est ce qu’il y a de plus enthousiasmant dans l’exposition, la plus forte séduction est produite par la présence d’artistes contemporains, en particulier, par les œuvres magnifiques de Dove Allouche et d’Abdelkader Benchamma. Nous ne les décrirons pas. Il faut les découvrir et se laisser emporter par leur force et leur beauté tellurique.

Figure 6: Dove Alouche, Evaporite 21, 2019.
Figure 7: Abdelkader Benchamma, Cosma, 2022.

Caillois cherchait la poésie des pierres, la poésie qui vient de la contemplation de leur beauté et la poésie qui se créée en réponse, en dialogue avec cette beauté :

«je parle des pierres nues, fascination et gloire, où se dissimule et en même temps se livre un mystère plus lent, plus vaste et plus grave que le destin d’une espèce passagère »[2].

Chaque homme qui pratique la marche en montagne, cette marche qui se fait parmi les pierres et à un moment, parmi les pierres seules, quand bien après la disparition des feuillus, puis des conifères,  l’herbe même, abandonne le marcheur, sait que les pierres sont la beauté et le silence et que beauté et silence conduisent invariablement à Dieu. Dans le discours qu’elle lui avait consacré lors de sa réception à l’académie française, Marguerite Yourcenar, cita cette phrase de Maître Eckhart, qui ne dit pas autre chose :

« La pierre est Dieu, mais elle ne sait pas qu’elle l’est, et c’est le fait de ne pas le savoir qui la détermine en tant que pierre ».

C’est peut-être ce qui résume le mieux, Roger Caillois et l’exposition qui permet de le retrouver, parmi les pins parasols du Pincio.

Philippe PREVAL  Rome  31 Dicembre 2023

NOTE

[1] « Je parle de pierres qui ont toujours couché dehors ou qui dorment dans leur gîte et la nuit des filons. Elles n’intéressent ni l’archéologue ni l’artiste ni le diamantaire. Personne n’en fit des palais, des statues, des bijoux ; ou des digues, des remparts, des tombeaux. Elles ne sont ni utiles ni renommées. Leurs facettes ne brillent sur aucun anneau, sur aucun diadème. Elles ne publient pas, gravées en caractères ineffables, des listes de victoires, des lois d’Empire. Ni bornes ni stèles, pourtant exposées aux intempéries, mais sans honneur ni révérence, elles n’attestent qu’elles. » Roger Caillois, Pierres.
[2] Roger Caillois, Pierres, 1966.
Credits immagini: Storie di pietra © Daniele Molajoli . Villa Medici ©Giorgio Benni

Versione Italiana

Ci sono mostre che devi vedere, ma ce ne sono alcune che devi vedere assolutamente, che devi correre per vedere e rivedere. Mancano circa due settimane per correre a Villa Medici, e trovare ancora l’esposizione Histoire de Pierres, una mostra concettuale che riprende il pensiero del grande scrittore Roger Caillois e lo ripropone 45 anni dopo la sua morte nel nostro mondo.
Caillois era uno strano personaggio, surrealista ma borghese, poeta ma uomo normale, dilettante ma sociologo, alto funzionario dell’UNESCO ma avendo corso il rischio di essersi unito tra i primi alla Francia Libera. In grado di competere con Breton, lasciò il movimento nel 1935, dopo tre anni di partecipazione e di intensa frequentazione. Allora aveva 22 anni. Forse perché cresciuto a Reims, in una città in rovina, dove i gioielli dell’arte gotica erano stati trasformati in rocce sventrate che ricordavano le lacrime delle dolomiti, la passione per le pietre sembra aver maturato molto presto lo scrittore, allo stesso modo come il capo del surrealismo. Entrambi erano affascinati dal loro potere sull’immaginazione. Studiando i rapporti tra pietre e immaginazione, tra pietre e bellezza, questa bellezza senza senso, tra pietre e arte, Caillois ha studiato l’arte, la bellezza, la civiltà, l’uomo ma anche la mineralogia. Ha dedicato diversi testi a questi studi, tra cui Pierres, una raccolta di poesie del 1966 e soprattutto il saggio Scripture des stones del 1970.
Eco inaspettato e frattale della bellissima mostra alla Galleria Borghese dello scorso anno, Meraviglia senza tempo. Pittura su pietra a Roma tra Cinquecento e Seicento, curata da Francesca Cappelletti e Patrizia Cavazzini, che hanno presentato un ineguagliabile panorama delle pietre dipinte, la mostra segue il pensiero di Caillois ma in un’affermata contemporaneità, riprendendo alcuni ambiti importanti, come le pietre fenomeni naturali immemorabili -Caillois aveva un’intima consapevolezza dell’assoluta antichità e primato delle pietre -, cristalli come architettura, pietre con figure, pietre come talismani o come oggetto sacro…L’esposizione costituisce gran parte della collezione dello scrittore, quasi interamente conservata al Museo di Storia Naturale, ma non si limita ad essa.
Vengono evocati alcuni capolavori della pittura classica come il David di Guido Reni, accanto a immagini di manifestanti, nuovi David, e i lanci di pietre contro la polizia, come il Sacro Cuore di Picasso, una concrezione rocciosa architettonica, o il Pensiero, di Auguste Rodin, una figura che emerge da un blocco di pietra, mostra le diverse modalità di dialogo tra pietre e arti o pietre e artisti.
Una “materialologia” di Dubuffet ricorda il tempo in cui il pittore utilizzava sabbia, ghiaia, catrame, gesso, asfalto, o semplici ciottoli, che frantumava, cuoceva, poi mescolava e lavorava con una cazzuola, un coltello o una spazzola metallica o impastato con le proprie mani, per “costruire” quadri su tela.
Un posto di rilievo hanno ovviamente le pietre paesine, queste pietre di paesaggio o di rudere, che da sempre si trovano sulle sponde dell’Arno. Sono “naturali” o trasfigurati da un artista, come la Cattura di Gerusalemme di Antonio Tempesta, che fortunatamente compì il viaggio da Villa Borghese a Villa Medici.
Ma, ed è questo l’aspetto più emozionante della mostra, la seduzione più forte è prodotta dalla presenza di artisti contemporanei, in particolare dalle magnifiche opere di Dove Allouche e Abdelkader Benchamma. Non li descriveremo. Bisogna scoprirli e lasciarsi trasportare dalla loro forza e bellezza tellurica.
Caillois cercava la poesia delle pietre, la poesia che nasce dalla contemplazione della loro bellezza e la poesia che si crea in dialogo con questa bellezza: “Sto parlando di pietre nude, fascino e gloria, dove si nasconde e allo stesso tempo si svela un mistero, più lento, più vasto e più grave del destino di una specie che passa”[2]. Ogni uomo che cammina in montagna tra le pietre dopo la scomparsa delle latifoglie, poi delle conifere, e infine anche dell’erba, sa che le pietre sono bellezza e silenzio e quella bellezza e silenzio conducono invariabilmente a Dio. Nel discorso durante un ricevimento all’Accademia di Francia, Marguerite Yourcenar citò questa frase del maestro Eckhart, che non disse altro: “La pietra è Dio, ma non sa di esserlo, ed è il fatto di non conoscerlo che la determina come pietra”. Questo è forse ciò che meglio riassume il pensiero di Roger Caillois e la mostra che permette di ritrovarlo, tra i pini marittimi del Pincio.

Accademia di Francia a Roma — Villa Medici Viale della Trinità dei Monti, 1 – Roma Infoline: +39 06 67611 Sito web ufficiale: villamedici.it

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