di Philippe PREVAL
Versailles c’est la joie
Epoustouflant, extraordinaire, magnifique, enthousiasmant, tels étaient les qualificatifs dont résonnaient les voutes du couloir des hommes illustres à la fin du Didon et Enée, le chef doeuvre de Henry Purcell (Westminster, 1659 – 1695) donné par l’Opéra royal de Versailles, le spectacle monté, avec le soutien d’Aline Floriel-Destezet et du groupe HBR, dans le magnifique écrin de bois doré et de velours bleu de l’opéra construit par l’architecte Ange-Jacques Gabriel dans les dernières années du règne de Louis XV mais qui fut inauguré en 1770 pour la première année du règne de Louis XVI comme un cadeau à la reine Marie-Antoinette.
Comme il était d’usage à l’époque, la fidélité du livret au texte de Virgile est assez légère. L’amour violent proclamé par la reine de Carthage dans l’épopée est remplacé par une déclaration convenue du héros troyen, la tempête déclenchée par Diane qui permettait aux amants de connaître leur première union, est ici un facteur de séparation, enfin c’est Jupiter lui-même qui chez Virgile prend la décision de séparer les amants, et envoie Mercure pour porter son ordre comminatoire, alors que dans l’opéra, c’est la reine des sorcières, personnage au parfum shakespearien ajouté par le librettiste, qui envoie une de ses créatures qui prend l’apparence du messager de Jupiter. On comprend que par ces ajustements successifs, le récit virgilien perde sa profondeur et laisse place à un divertimento qui a pour but de d’amuser la cour de Charles II.
La mise en scène de Cécile Roussat et Julien Lubek prend à son tour ses distances avec le livret. L’histoire quitte les bois et les palais pour prendre un tour maritime. L’ouverture à la française se déploie sur un paysage de marine encadré par deux rochers que vient animer un ballet de naïades, la reine des sorcières est une énorme pieuvre, les amants naviguent sur les ondes sur une barque en forme de coquille Saint-Jacques, et pour finir Didon disparait dans les flots.
Dans des décors à dominante bleue qui suggèrent le miroitement des eaux, le spectateur est pris dans un réseau de sensations extraordinaires. Le spectacle évolue entre plusieurs pôles d’attraction qui dominent tour à tour la scène : l’orchestre, magnifiquement emmené par le violon de Stefan Plewniak, les solistes dont Sonya Yoncheva qui incarne une Didon merveilleuse, le chœur, à qui revient la note finale, mais aussi, et cela n’a pas été prévu par Purcell, acrobates et trapézistes qui importent dans l’opéra tout ce que le cirque a d’aérien, la danse classique, la danse des rues, la pantomime et encore ces costumes féériques et ces décors mouvants qui sont l’esprit du baroque. C’est ainsi que pendant le choral, To the hills and the vales, qui ferme le premier acte, Cupidon exécute dans la nuit azurée, un numéro de trapèze d’une grâce absolue et surtout, parfaitement en mesure ! Chaque tableau est un enchantement, un moment de poésie, un bonheur.
Et à toutes les extravagances gestuelles, picturales, musicales, succède, après que le faux Mercure eut signifié l’arrêt de mort de l’amour, après que le prince troyen fut venu annoncer son départ forcé, et que la reine lui eut ordonné de partir, malgré qu’il eût manifesté son désir de désobéir aux ordres divins, le dénuement le plus extrême où la reine, sur une scène débarrassée de tout décor, fait ses adieux à sa confidente en lui disant de lui tenir la main car les ombres noires l’entourent (Thy hand Belinda, darkness shades me) avant de se retrouver seule pour disparaître à jamais dans les flots, après avoir chanté le célèbre, When I am laid in earth.
Alors, le silence qui suit Purcell, ce silence lourd de désespoir, est encore de Purcell mais cède la place au chœur qui enchaîne le choral final avant que le public ne laisse éclater sa joie et sa reconnaissance pour ce moment inoubliable dans un tonnerre d’applaudissements au point de faire craquer les boiseries vénérables de ce petit bijou de décoration Louis XVI, qui était néanmoins, lors de son inauguration, la plus grande salle de spectacles d’Europe.
Philippe PREVAL Paris 3 Novembre 2024
Versione italiana
Versailles è gioia
Mozzafiato, straordinario, magnifico, emozionante: questi erano gli aggettivi che echeggiavano dalle volte del corridoio degli uomini illustri al termine di Didone ed Enea, il capolavoro di Henry Purcell (Westminster, 1659-1695), presentato dall’Opera Reale di Versailles, nello spettacolo allestito con il sostegno di Aline Floriel- Destezet e il gruppo HBR, nella magnifica cornice di legno dorato e velluto blu dell’opera costruita dall’architetto Ange-Jacques Gabriel negli ultimi anni del regno di Luigi XV ma che fu inaugurata nel 1770 per il primo anno di regno di Luigi XVI come dono alla regina Maria Antonietta.
Come era consuetudine all’epoca, la fedeltà del libretto al testo virgiliano è piuttosto esigua. L’amore irruento proclamato dalla regina di Cartagine nel poema epico, è sostituito da una formale dichiarazione dell’eroe troiano, la tempesta scatenata da Diana che fece subito innamorare i due è qui solo un fattore di distacco, infine mentre nel testo di Virgilio Giove prende la decisione di separare gli amanti e manda Mercurio a portare il suo ordine ineludibile, nell’opera è la regina delle streghe, personaggio dal sapore shakespeariano aggiunto dal librettista, a mandare una delle sue creature con le sembianze del messaggero di Giove. Si capisce che attraverso questi successivi aggiustamenti, la storia virgiliana perde di spessore e lascia il posto a un divertissement mirante ad intrattenere la corte di Carlo II. La regia di Cécile Roussat e Julien Lubek si discosta a sua volta dal libretto; al posto di boschi e i palazzi c’è un paesaggio marino incorniciato da due scogli che animano un balletto di naiadi, la regina delle streghe è un’enorme piovra, gli innamorati navigano su una barca a forma di conchiglia, e infine Didone scompare tra le onde.
Le ambientazioni prevalentemente blu che richiamano il luccichio delle acque, immergono lo spettatore in una rete di sensazioni straordinarie. Lo spettacolo si sviluppa tra diversi dominanti poli di attrazione: l’orchestra, magnificamente guidata dal violino di Stefan Plewniak, i solisti tra cui Sonya Yonchevache incarna una meravigliosa Didone, il coro, a cui va la nota finale, ma anche – e neppure questo era stato contemplato da Purcell- acrobati e trapezisti che inseriscono nell’opera quanto è aereo nel circo, la danza classica, la danza di strada, la pantomima, senza contare poi la magia dei costumi e delle decorazioni che sono lo spirito del barocco. È così che nel corale Ai colli e alle valli, che chiude il primo atto, Cupido esegue nella notte azzurra un numero al trapezio di assoluta grazia e, soprattutto, perfettamente a tempo! Ogni scena è un incanto, un momento di poesia, una gioia.
Infine, a tutte le stravaganze gestuali, sceniche, musicali, dopo che il falso Mercurio aveva reso nota la condanna, dopo che il principe troiano aveva annunciato la sua partenza forzata e la regina gli avesse ordinato di partire, nonostante avesse espresso il desiderio di disobbedire agli ordini divini, fa seguito l’estremo sacrificio, laddove la regina, su un palco spoglio di ogni decorazione, saluta la sua confidente dicendole di tenerle la mano perché ombre nere la circondano (La tua mano Belinda, l’oscurità mi ombreggia ) prima di ritrovarsi sola e scomparire per sempre tra le onde, dopo aver cantato la famosa, Quando sarò stesa in terra.
Così, il silenzio che segue, un silenzio carico di disperazione, è ancora quello di Purcell ma lascia il posto al coro con un finale esaltante, mentre la gioia del pubblico per questo momento indimenticabile esplode in un fragore di applausi fino al punto di mettere a rischio la venerabile lavorazione in legno di questo piccolo gioiello della decorazione Luigi XVI, che tuttavia, alla sua inaugurazione, era la più grande sala di spettacoli d’Europa.