di Philippe PREVAL
Une exposition impressionniste à Rome, c’est un peu comme des linguine alle vongole à Ostende, ça ne sonne pas juste. Dans un endroit inattendu, le musée de l’infanterie[1], une exposition réunit un ensemble d’œuvres impressionnistes, « impressionnisantes » et voisines de l’impressionnisme, c’est-à-dire réalisées avant (Ingres, Delacroix), après (Marie Laurencin) ou pendant mais à côté (Courbet). Ce rassemblement hétéroclite, constitué à partir de collections privées et d’œuvres appartenant au marché de l’art, célèbre d’une curieuse façon, les 150 ans de l’exposition fondatrice du mouvement.
Organisée par une société privée (Navigare srl[2]), dont le site dit fièrement qu’ils « améliorent les lieux culturels »[3], , c’est une exposition sans chef-d’œuvre, sans même une toile importante, sans programme, sans discours et sans espace. On s’y déplace dans quelques couloirs étroits reliant de petites salles saturées de photos, de lithographies, d’aquatintes, de quelques dessins, d’œuvres mineures d’artistes connus et de multiples œuvres d’artistes secondaires. Cela donne l’impression d’être chez quelque collectionneur obnubilé par les noms célèbres mais sans moyens financiers qui en est réduit à rassembler des échantillons, ici une petite esquisse, là un dessin à peine ébauché, ailleurs une affiche lithographiée, ou encore une photographie retouchée, tous ces « chefs d’œuvres » étant noyés dans un fatras de toiles d’artistes contemporains des génies mais sans talent. Ce type de collectionneur est moqué depuis l’antiquité, les « collectionneurs de noms célèbres » sont une variante de la folie des grandeurs, si bien portraiturée par Géricault, dont une copie du masque funéraire ouvre, on se demande bien pourquoi, l’exposition.
Mais bien qu’elle soit sans programme, sans chef d’œuvre et sans relief, cette exposition n’est pas sans intérêt, car un peu comme une brocante, elle met sous les yeux des visiteurs quelques toiles inconnues et quelques artistes mineurs, certains méritant le coup d’œil, d’autre soulignant simplement qu’en art il y a beaucoup de faux-monnayeurs. Parmi les rencontres intéressantes : une esquisse du Sardanapale de Delacroix (si elle lui revient), un paysage de Courbet, un crépuscule de Millet, une marine « attribuée » à Monet mais qui n’est pas sans intérêt ou un petit panneau de Manet.
Mais ce qui est plus intéressant ce sont les artistes mineurs. Pour l’essentiel, ils ont peu à voir avec l’impressionnisme mais puisque nous sommes attablés dans l’auberge, autant goûter les plats. Le meilleur morceau est cette courtisane abandonnée par son amant, pastel d’Henry Somm.
Somm fréquentait les (post-) impressionnistes comme Cocteau les surréalistes… Néanmoins, ce pastel d’un érotisme très XVIIIe, est magnifique.
On peut aussi apprécier, une juxtaposition d’études de mains de Gauguin, au surréalisme involontaire, une aquarelle de Giuseppe De Nittis, un paysage de Eugene Vincent Vidal ou un autre de Émile Bernard.
7 Eugene Vincent Vidal, Environs de Nemours; 8 Emile Bernard, Venise
Mais, quelques aérolites picturaux, que certains pourraient qualifier de croûtes authentiques, comme les productions commerciales de Firmin-Girard qui symbolise tout ce qu’on peut faire de pire comme imitation mercantile et cynique de l’impressionnisme, viennent attaquer sévèrement la bonne volonté du visiteur qui finit par se demander si ce montage disparate a du sens, et s’il était utile que Rome sacrifiât à la mode impressionniste de cette manière.
Philippe PREVAL Roma 14 Aprile 2024
NOTE
[1] https://www.esercito.difesa.it/storia/musei/Museo-Storico-della-Fanteria
[2] https://www.navigaresrl.com/
[3] MIGLIORIAMO LA FRUIZIONE DEI LUOGHI DELLA CULTURA (sic!)
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