“Ton Homère est muet pour moi, bien plus, moi, je suis sourd pour lui”. L’invention de la Renaissance, l’humaniste, le prince et l’artiste. (BNF, 20 fév. 2024  – 16 juin. 2024).Texte original en français avec résumé en italien.

di Philippe PREVAL

L’invention de la Renaissance

20 fév. 2024  – 16 juin. 2024

BNF Richelieu  Galerie Mansart – galerie Pigott

https://www.bnf.fr/fr/agenda/linvention-de-la-renaissance#bnf-infos-pratiques

«Maintenant toutes disciplines sont restituées, les langues instaurées [1]: grecque, sans laquelle c’est honte qu’une personne se dise savant ; hébraïque, chaldaïque, latine. Les impressions tant élégantes et correctes en usance [2] qui ont été inventées de mon âge par inspiration divine, comme, à contre-fil, l’artillerie par suggestion diabolique. Tout le monde est plein de gens savants, de précepteurs très doctes, de librairies [3] très amples, qu’il m’est avis que ni au temps de Platon, ni de Cicéron, ni de Papinien, n’était telle commodité d’étude qu’on y voit maintenant, et ne se faudra plus dorénavant trouver en place ni en compagnie, qui ne sera bien expoli [4] en l’officine de Minerve. Je vois les brigands, les bourreaux, les aventuriers, les palefreniers de maintenant plus doctes que les docteurs et prêcheurs de mon temps».

Ce texte dit tout de la  formidable transformation qu’opéra ce que l’on a coutume d’appeler la Renaissance qui a aujourd’hui une définition assez vague mais alors un sens très concret, celui de retrouver le véritable chemin de la civilisation. Le terme le plus important du texte est ce « maintenant » qui traduit la différence radicale pour les contemporains de Rabelais, entre leur époque, et celles des ancêtres du locuteur. Cinquante ans d’historiographie ont péniblement tenter de redorer le blason du Moyen-Age, de mettre fin à sa réputation d’ignorance et d’obscurantisme et de redonner du lustre à sa philosophie. Ce n’était certes pas l’avis de Rabelais. Quand il tance l’ignorance des docteurs et prêcheurs du temps de ses pères, il parle d’expérience et objectivement. Les Français ayant eu cinquante ans de retard sur les Italiens, Rabelais, parle pour lui, pour un homme qui a connu la fondation du Collège de France, le collège des lecteurs royaux. Bien entendu cette époque commença à Florence sous Côme de Médicis et fut menée par Marsile Ficin, et fut anticipée par Pétrarque et Boccace.

C’est cette aventure humaine que retrace la merveilleuse exposition de la BNF.

Partant de la figure fondatrice de Pétrarque, lettré d’un genre nouveau qui prône l’étude des textes antiques dans une visée éthique, elle s’attache à montrer comment cet idéal se concrétise à travers un travail de collecte des manuscrits d’auteurs classiques de l’Antiquité et de transmission, par des copies et des traductions. Elle reconstitue aussi, une création tout à fait nouvelle, le « studiolo », au sens propre le lieu d’étude où les lettrés et certains princes, se retirent parmi leurs livres et leurs objets d’art.

Cet événement vient à point nommé ! Dans le métro, il devient rare de voir des voyageurs plongés dans la lecture d’un livre. Ils ont presque tous le nez fixé sur un petit écran de verre, les uns pour aligner des pommes et des poires et avoir ainsi  le droit d’aligner des carottes et des fraises, les autres pour admirer les évolutions des as de la coordination pied-tête, certains pour gouter les productions savant dosage émotionnel assemblé comme un parfum de grande maison, peur, attendrissement et humour du cinéma hollywoodien, d’autres pour suive avec avidité les aventures sentimentales des acteurs et actrices de ces mêmes productions, ou faire défiler avec leur pouce les acrobaties involontaires de chats, de chiens ou même de pandas.  C’est pourtant le livre qui avait sorti l’humanité du purgatoire médiéval. Le livre avec ses histoires, ses concepts, ses mille et unes difficultés. Cette exposition prend tout sens car elle arrive précisément au moment où sans une vigoureuse réaction, nous allons devoir nous préparer à entrer dans une nouvelle glaciation intellectuelle, celle des « plateformes », des multiples écrans, celle du loisir vide, celle de la monétisation du temps cérébral, pour reprendre l’expression d’un cynisme inégalable d’un défunt patron de chaine de télévision. Alors que les livres vont peut-être devoir se réfugier dans les grandes bibliothèques comme ils durent le faire dans les monastères pendant des siècles, profitons du courage de la BNF pour en retrouver certains et surtout pour les lire.

Le cheminement commence avec Pétrarque, qui aurait pu faire sienne la phrase de Sénèque, le repos sans l’étude des lettres c’est la mort, et l’homme est tout vif mis au tombeau[5], que les scénographes ont bien fait d’inscrire en majesté.

Il fut le premier lettré à disposer d’une véritable bibliothèque et disait qu’il n’y avait rien de meilleur que d’être tranquille et de travailler parmi ses livres. L’importance du poète se passe de commentaire. L’exposition rappelle ce que nous devons à Pétrarque l’humaniste qui fut le premier des philologues, travaillant en particulier à l’établissement du texte de Tite Live et qui constitua méthodiquement une bibliothèque très structurée, faisant copier à ses frais des manuscrits rares et pour certains essentiels. Nous lui devons en particulier le retour d’Homère parmi nous. Le Moyen-Age avait une conscience assez nette de la position hiérarchique d’Homère (il est cité dans la chanson de Roland, dans le roman de la Rose, dans le roman de Troie, etc…) mais il ne le connaissait pas de première main. La guerre de Troie n’était connue que par des textes latins tardifs qui attachent plus d’importance aux combats qu’aux excursus mythologiques ; l’Ilias Latina (premier siècle), l’Éphéméride de la guerre de Troie de Dictys de Crète et l’Histoire de la destruction de Troie de Darès le Phrygien.

L’arrivée en 1353, d’un manuscrit complet des deux grands textes homériques dans la bibliothèque de Pétrarque est de la plus haute importance. Ne sachant pas le grec, Pétrarque écrit à Boccace qu’il est « sourd » devant ce texte :

« Ton Homère est muet pour moi, bien plus, moi, je suis sourd pour lui ».

Ce qui ne l’empêche pas de serrer le manuscrit contre son cœur. Pétrarque et son ami Boccace finiront par disposer d’une traduction latine. Son exemplaire de l’Iliade (BNF, Lat 7880) est annoté à chaque page ou presque. Le poète mourut alors qu’il travaillait sur l’Odyssée. C’est ce livre que nous pouvons voir.

1 Figure 1 Homère, l’Odyssée, manuscrit padouan provenant de Pétrarque, BNF, MSS, Latin, 7880 (2).

Comme une grande partie de la bibliothèque du poète, il a connu un parcours chaotique. A la mort du poète, la bibliothèque est à Arquà, sur le territoire de Padoue. Les seigneurs de la ville, les da Carrara l’achètent ou la saisissent en partie, principalement les manuscrits latins et grecs. Après leur défaite contre les Visconti, les livres sont emportés comme butin en Lombardie, ils passent aux Sforza qui les entreposent au château de Pavie. Lorsque les Français de Louis XII conquièrent le Milanais, ils prennent possession des précieux livres qui sont transportés à Blois. Ils connaitront différents châteaux et diverses révolutions mais ne quitteront plus la France.

Figure 2 Altichiero da Zevio: Pétrarque, plume sur parchemin, , BNF, MSS, Latin, 6069 F.

Outre la sublime Odyssée, l’exposition présente plusieurs livres de la bibliothèque pétrarquienne, dont le Dictys de Crète, les dialogues de Platon (en grec), un Saint Augustin (Ennarationes in psalmos) offert par Boccace, un recueil d’historiens romains de l’école de Chartres, annoté par le poète… chacun de ses exemplaires a été feuilleté, compulsé, lu, annoté par Pétrarque. Dans un manuscrit padouan de son de Viris illustribus, on retrouve même son portrait, le plus ancien qui nous soit parvenu, fait peut-être de son vivant. On a peine à y reconnaitre l’auteur du Canzoniere, on y voit un homme austère, modeste.

Le second héros que nous retiendrons est Poggio Bracciolini, le Poge. Il nait quelques années après la mort de Pétrarque et fait partie, avec Leonardo Bruni, Niccolo Niccoli, Pier Paolo Vergerio, Gasparino Barzizza, Guarino Veronese et quelques autres, de la génération de brillants lettrés qui vont édifier la renaissance des lettres. Tous ont à leur actif la découverte, dans une bibliothèque, d’un manuscrit oublié qui a permis l’édition princeps d’un classique, mais le Pogge est celui qui a su en faire la meilleure narration, ou la meilleure mise en scène. Mettant à profit son désœuvrement lors des travaux du concile de Constance, il fit quelques excursions dans des bibliothèques monastiques environnantes entre l’été 1416 et l’été 1417, notamment à Cluny, Saint-Gall, Fulda, Langres et Cologne.

Il en rapporta plusieurs œuvres antiques (Cicéron, Vitruve, Tite-Live, Quintilien et Lucrèce entre autres). Dans son texte c’est la première version complète de l’Institution oratoire de Quintilien qu’il met en avant: cet exemplaire noirci et moisi, enfermé dans le cachot d’une tour, comme un prisonnier… selon les termes qu’il utilise dans sa lettre à Guarino Veronese. Il est vrai que la publication de Quintilien renouvela totalement la prose latine du XVe siècle et eut une influence décisive sur la littérature « vulgaire » que ce soit en Italie ou en France. Néanmoins, ce n’est pas pour cette raison qu’il mérite de figurer dans notre panthéon mais bien pour le retour dans nos bibliothèques du Rerum Natura, car l’exemplaire qu’il trouva et sauva à Saint-Gall était le seul ayant subsisté. Le monde pourrait sans doute exister sans Lucrèce, mais il en serait terriblement appauvri.

Diverses manuscrits dont un exemplaire des Histoires Naturelles de Pline l’ancien, ayant appartenu à Leonadro Bruni, et un Quintilien, annoté par Lorenzo Valla, élève de Leonadro Bruni, illustrent cette section à laquelle les scénographes ont eu l’idée de donner la forme d’un studiolo, cette pièce d’étude inventée par et pour les princes qui s’entourent de lettrés et deviennent lettrés eux-mêmes, Quelques tableaux du studiolo de Frederic de Montefeltre, viennent rappeler l’importance d’Urbino dans cette histoire, Urbino, où Castiglione situera quelques décennies plus tard, Le courtisan.  L’Apollon et Daphnis, de Pérugin, vient, quant à lui évoquer le studiolo de Laurent de Médicis.

 

 

 

Edward Wind, soulignait dans Art et anarchie, le mérite qu’avaient les potentats de la Renaissance, à s’intéresser à l’Art (et plus généralement à la culture), car leurs vies étaient infiniment plus difficiles que celles de ses contemporains magnats collectionneurs ou mécènes qui se prenaient pour leurs successeurs. Le destin des deux derniers da Carrara, morts en captivité, l’un à Milan, l’autre à Venise, celui de Julien de Médicis, assassiné lors de la conjuration des Pazzi, ou celui du dernier Sforza, Ludovic le More, mort en exil à Loches, témoignent de la difficulté de ces existences. C’est le grand père de ce dernier qui est représenté sur une magnifique enluminure commandée par Ludovic.

Figure 3, Antonio Minuti. Portrait équestre de Muzio Attendolo Sforza, BNF, MSS, Italien, 372

Notre troisième héros, est bien sûr Marsile Ficin qui traduisit à lui seul toute l’œuvre Platon, les Ennéades de Plotin, Proclus et bien d’autres. Ficin, dont il n’est même pas possible de disposer des œuvres complètes dans une édition abordable[1], mériterait d’avoir sa statue sur les places des principales villes européennes. Son édition bilingue, latin-grec de Platon en double colonne,  fut une référence jusqu’au XVIIe siècle.  Il eut été bon de la voir dans l’exposition. Ce n’est pas un livre rare, mais c’est un livre essentiel qui remit Platon au centre du débat philosophique, au centre de la culture, jusque là dominée par Aristote. Quant à son Commento, réécriture florentine du Banquet, il fit de l’Amour le principal sujet des débats philosophiques pendant tout le XVIe siècle. La peinture de la Renaissance n’est pas compréhensible sans ce livre. Nous nous contenterons d’un manuscrit des Ennéades, et d’un exemplaire de Virgile annotée par son éleve Ange Politien.

Figure 4 Virgile, Bucoliques, Géorgiques, Enéide, édition Sweynheym & Pannartz, Rome, 1471, anotation Politien, BNF, G-YC- 236

L’imprimerie donnera un formidable coup d’accélérateur au mouvement avec deux principaux centres, Rome et Venise, qui se partagent l’honneur des éditions princeps. Il en ira de même de la gravure qui diffusera les sculptures et les autres éléments du patrimoine antique, sortant de terre au même moment, comme les textes sortaient des armoires poussiéreuses des bibliothèques des monastères.

Destinée d’abord à l’esprit, l’exposition est également une fête pour les yeux.  On ne saurait trop la recommander. Aller la voir, c’est participer modestement à la lutte contre l’ignorance, contre l’obscurantisme, contre la cécité volontaire. Il est bon de lire les classiques comme le rappellent tous les grands écrivains, de Pétrarque à Calvino. Et pour reprendre Erasme, il est bon et juste, de rendre hommage à ceux qui ont relevé la culture, car comme il le dit admirablement, la culture, n’est pas d’un pays ou d’un peuple, mais de tous les pays, de tous les peuples.

Philippe PREVAL  Paris 24 Mars 2024

NOTE

[1] Restaurées.
[2] Usage.
[3] Bibliothèques.
[4] Poli.
[5] Séneque, Letres à Lucilius, 88, otium sine litteris mors est et hominis vivi sepultura.
[6] Les Editions des belles Lettres ont fait cependant un travail admirable, quoiqu’incomplet.

Versione italiana

«Ora tutte le discipline sono restaurate, le lingue ristabilite[1]: il greco, senza il quale è vergognoso per una persona dirsi studioso; ebraico, caldeo, latino. Le impressioni sì eleganti e corrette nell’uso[2] che furono inventate nella mia età per ispirazione divina, come, al contrario, l’artiglieria per suggestione diabolica. Tutti sono pieni di dotti, di precettori dottissimi, di librerie molto ampie[3], che mi viene in mente che né al tempo di Platone, né di Cicerone, né di Papiniano, vi era una tale comodità come lo studio che vediamo là ora, e non si troverà più in luogo né in compagnia, che non si spiegherà bene[4] nella farmacia di Minerva. Vedo i briganti, i carnefici, gli avventurieri, i palafrenieri di oggi più dotti dei medici e dei predicatori del mio tempo».
Questo testo dice tutto sulla trasformazione operata da quello che abitualmente chiamiamo Rinascimento, che oggi ha una definizione piuttosto vaga ma un significato molto concreto, quello di riscoprire la vera via della civiltà. Il termine più importante nel testo è “adesso” che traduce la differenza radicale, per i contemporanei di Rabelais, tra il loro tempo e quello dei suoi antenati. Cinquant’anni di storiografia hanno faticosamente tentato di riabilitare l’immagine del Medioevo, di porre fine alla sua fama di ignoranza e di oscurantismo e di ridare lustro alla sua filosofia. Questa non era certamente l’opinione di Rabelais. Quando critica l’ignoranza dei medici e dei predicatori del tempo dei suoi padri, parla per esperienza e in modo obiettivo. Essendo allora i francesi cinquant’anni indietro rispetto agli italiani, Rabelais parla per sè, per un uomo che ha vissuto la fondazione del Collège de France, il collegio dei lettori reali.
Naturalmente quest’epoca di rinascita iniziò a Firenze sotto Cosimo de Medici, fu indirizzata da Marsilio Ficino e anticipata da Petrarca e Boccaccio.
È questa avventura umana che ripercorre la meravigliosa mostra della Biblioteca Nazionale di Francia. Partendo dalla figura fondatrice di Petrarca, studioso di un nuovo genere che sostiene lo studio dei testi antichi con finalità etiche, si tenta di mostrare come questo ideale si concretizzi attraverso il lavoro di raccolta dei manoscritti di autori classici dell’antichità e attraverso copie e traduzioni. Si ricostituisce inoltre, in una creazione del tutto nuova, lo “studiolo”, letteralmente il luogo di studio dove gli studiosi e alcuni principi si ritiravano tra i loro libri e i loro oggetti d’arte. Questo evento espositivo è opportuno se pensiamo che oggi in metropolitana – per fare un esempio- diventa raro vedere viaggiatori immersi nella lettura di un libro. Quasi tutti hanno il naso fisso su un piccolo schermo di vetro, chi per allineare mele e pere e avere così il diritto di allineare carote e fragole, chi per ammirare le produzioni del cinema hollywoodiano o per seguire le avventure sentimentali di attori e attrici di queste stesse produzioni, chi, infine, per scorrere con il pollice le involontarie acrobazie di gatti, cani o addirittura panda. Eppure è il libro che ha fatto uscire l’umanità dal purgatorio medievale. Il libro con le sue storie, i suoi concetti, le sue mille e una difficoltà. Questa mostra ha perfettamente senso perché arriva proprio nel momento in cui, senza una reazione vigorosa, dovremo prepararci ad entrare in una nuova glaciazione intellettuale, quella delle “piattaforme”, degli schermi multipli, del tempo libero vuoto, della monetizzazione del tempo cerebrale, per usare l’espressione di incomparabile cinismo di un defunto capo di un canale televisivo.Anche se i libri dovranno rifugiarsi nelle grandi biblioteche, come è accaduto per secoli nei monasteri, approfittiamo del coraggio della BNF per ritrovarne alcuni e soprattutto per leggerli. Il viaggio comincia con Petrarca, che avrebbe potuto fare sua la frase di Seneca, il riposo senza lo studio delle lettere è morte, e l’uomo viene deposto vivo nella tomba[5]. Egli fu il primo studioso ad avere una vera biblioteca e disse che non c’era niente di meglio che stare tranquillo e lavorare tra i suoi libri. La mostra ci ricorda quanto dobbiamo a Petrarca, l’umanista che fu il primo dei filologi, che lavorò in particolare alla costituzione del testo di Tito Livio e costituì metodicamente una biblioteca molto strutturata, facendo copiare manoscritti rari e rarissimi a proprie spese. A lui dobbiamo in particolare il ritorno di Omero tra noi. Il Medioevo aveva una consapevolezza abbastanza chiara della posizione gerarchica di Omero (è citato ne la Chanson de Roland, nel roman de la Rose, nel roman di Troie, ecc.). La guerra di Troia è conosciuta solo dai testi tardo latini che attribuiscono più importanza ai combattimenti che alle escursioni mitologiche; l’Iliade Latina (I secolo), le Effemeridi della guerra di Troia di Dictys di Creta e la Storia della distruzione di Troia di Dares il frigio. Di grandissima importanza è l’arrivo nel 1353 di un manoscritto completo dei due grandi testi omerici nella biblioteca del Petrarca. Non conoscendo il greco, Petrarca scrisse a Boccaccio di essere “sordo” a questo testo: “Il tuo Omero è muto per me, anzi, io sono sordo per lui”. Il che non gli impedisce di stringere al cuore il manoscritto. Petrarca e il suo amico Boccaccio avranno finalmente una traduzione latina. La sua copia dell’Iliade (BNF, Lat 7880) è annotata su quasi ogni pagina. Il poeta morì mentre lavorava all’Odissea. Gran parte della sua biblioteca ha conosciuto una sorte caotica. Alla morte del poeta la biblioteca si trovava ad Arquà (oggi Arquà Petrarca), nel territorio di Padova. I signori della città, i da Carrara, ne acquistarono o sequestrarono una parte, principalmente manoscritti latini e greci. Dopo la sconfitta subita contro i Visconti, i libri furono portati come bottino in Lombardia e passarono agli Sforza che li depositarono nel castello di Pavia. Quando i francesi di Luigi XII conquistarono il milanese, si impossessarono dei preziosi libri che furono trasportati a Blois dopo di che essi videro diversi castelli e varie rivoluzioni ma non lasceranno mai la Francia. Oltre alla sublime Odissea, la mostra presenta diversi libri della biblioteca petrarchesca, tra cui i Dictys di Creta, i dialoghi di Platone (in greco), un Sant’Agostino (Ennarationes in psalmos) offerto da Boccaccio, una raccolta di storici romani dalla scuola di Chartres, annotata dal poeta… ciascuna delle sue copie è stata sfogliata, letta, annotata da Petrarca stesso. In un manoscritto padovano del suo de Viris illustribus troviamo addirittura il suo ritratto, il più antico giunto fino a noi, forse realizzato durante la sua vita ed è difficile riconoscervi l’autore del Canzoniere, tanto appare austero e modesto. Il secondo eroe che ricorderemo è Poggio Bracciolini, il Pogge. Nacque pochi anni dopo la morte del Petrarca e fece parte, con Leonardo Bruni, Niccolò Niccoli, Pier Paolo Vergerio, Gasparino Barzizza, Guarino Veronese e pochi altri, della generazione di brillanti studiosi che avrebbero costruito il rinascimento delle lettere. Tutti loro hanno il merito del ritrovamento, in una biblioteca, di un manoscritto dimenticato che ha permesso la prima edizione di un classico, ma il Bracciolini è colui che ha saputo creare la migliore narrazione, o la migliore messa in scena. Approfittando delle lunghe pause durante i lavori del Concilio di Costanza, tra l’estate del 1416 e l’estate del 1417 fece alcune escursioni nelle biblioteche monastiche circostanti, in particolare a Cluny, San Gallo, Fulda, Langres e Colonia. Riportò diverse opere antiche (Cicerone, Vitruvio, Tito Livio, Quintiliano e Lucrezio tra gli altri). Nel suo testo mette in risalto la prima versione completa dell’Istituzione Oratoria di Quintiliano: “annerita e ammuffita, rinchiusa nella cella di una torre, come un prigioniero… “ secondo i termini che usa nella sua lettera a Guarino Veronese.Questa pubblicazione di Quintiliano rinnovò completamente la prosa latina del XV secolo ed ebbe un influsso decisivo sulla letteratura “volgare” sia in Italia che in Francia. Non è però per questo che merita di essere inserito nel nostro pantheon, quanto piuttosto per il ritorno nelle nostre biblioteche del De Rerum Natura, di Lucrezio, poiché la copia da lui ritrovata e salvata a San Gallo era l’unica sopravvissuta. Il mondo potrebbe senza dubbio esistere senza Lucrezio, ma sarebbe terribilmente impoverito. Vari manoscritti tra cui una copia delle Storie Naturali di Plinio il Vecchio, appartenuta a Leandro Bruni, e un Quintiliano, annotato da Lorenzo Valla, allievo di Leandro Bruni, illustrano questa sezione alla quale gli scenografi della esposizione hanno avuto l’idea di dare la forma di uno studiolo, un ambiente voluto da e per i principi che per circondarsi di studiosi e diventare poi tali essi stessi. Alcuni dipinti dello studiolo di Federico da Montefeltro ci ricordano l’importanza di Urbino in questa storia, Urbino, dove Baldassarre Castiglione collocherà Il Cortigiano qualche decennio dopo. Mentre l’Apollo e Dafne del Perugino richiama il prestigioso studiolo di Lorenzo de Medici. Edward Wind, in Arte e anarchia, sottolineava il merito dei potentati rinascimentali di interessarsi all’Arte (e più in generale alla cultura), perché la loro vita era infinitamente più difficile di quella dei magnati contemporanei, collezionisti o mecenati. Ne sono tragica testimonianza i due signori da Carrara, morti in prigionia, uno a Milano, l’altro a Venezia, Giuliano de Medici, assassinato durante la congiura dei Pazzi, nonché l’ultimo Sforza, Ludovico il Moro, morto in esilio nel Loches. È il nonno di quest’ultimo ad essere rappresentato in una magnifica miniatura commissionata da Ludovico.Per ritornare alla mostra, va detto che il nostro terzo eroe è ovviamente Marsilio Ficino che da solo ha tradotto l’intera opera di Platone, le Enneadi di Plotino, Proclo e molti altri. Ficino, le cui opere complete non sono disponibili nemmeno in edizione economica[1], meriterebbe di avere una statua nelle piazze delle principali città europee. La sua edizione bilingue, latino-greco di Platone in doppia colonna, fu di riferimento fino al XVII secolo. Sarebbe stato bello vederlo in mostra. Non è un libro raro, ma è un libro essenziale che ha riportato Platone al centro del dibattito filosofico, al centro della cultura, fino ad allora dominata da Aristotele. Pensiamo al Commento, riscrittura fiorentina del Simposio, che fece dell’Amore il soggetto principale dei dibattiti filosofici per tutto il Cinquecento. La pittura rinascimentale non è comprensibile senza questo libro. Ci accontenteremo di una copia della sua traduzione delle Enneadi, annotata da lui stesso e da Angiolo Poliziano. La stampa darà un formidabile impulso al movimento di rinascita culturale e civile con due centri principali, Roma e Venezia, che condividono l’onore delle prime edizioni. Lo stesso varrà per l’incisione che diffonderà sculture e altri elementi dell’antico patrimonio, emergendo come i testi riemergevano dagli armadi polverosi delle biblioteche dei monasteri. Destinata soprattutto alla mente, la mostra è anche una festa per gli occhi. Non possiamo che raccomandarla vivamente. Andarla a visitare significa partecipare con modestia alla lotta contro l’ignoranza, contro l’oscurantismo, contro la cecità volontaria. È bello leggere i classici così come li ricordano tutti i grandi scrittori, da Petrarca a Calvino. E per citare Erasmo, è cosa buona e giusta rendere omaggio a chi ha fatto cultura, perché come egli sottolinea mirabilmente, la cultura non è di un paese o di un popolo, ma di tutti i paesi, di tutti i popoli.