di Philippe PREVAL
La belle endormie
Dans le cadre de la collection d’études initiées par la Galleria Borghese par Francesca Cappelletti et dirigée par Lucia Calzona, Marco Tanzi a publié une étude sur la Vénus Borghèse, qui est référencée dans les collections Borghese depuis 1650 et qu’il intitule plus simplement, Nuda Dormiente. Il en profite pour faire le point sur ce qui est connu du mystérieux maître au monogramme HIR-TV.
Il s’agit d’un groupe de tableaux d’inspiration majoritairement vénitienne mais influencés également par la Lombardie[1], tout comme par Mantoue, en particulier Mantegna, Parme et Bologne. Outre la Vénus Borghèse , les premiers éléments connus du corpus se trouvent au musée des beaux-arts de Rouen (Isaac bénissant Jacob et Agar et l’ange) où les hasards de la dispersion de la collection Campana ont amené deux tableaux, et à la pinacothèque de Bologne (Noli me tangere). A quoi s’est ajouté très tôt une gravure en quatre feuilles (Suzanne et les vieillards), dont curieusement seule la partie basse fut connue pendant des années.
Au cours du XXe siècle le corpus s’étendit et compte aujourd’hui une 20e d’œuvres dont les plus importantes sont le Christ descendant dans les limbes de Munich, le Nu de Vienne et l’allégorie de Véronne, et, contribution personnelle de Marco Tanzi au catalogue de l’artiste, la Lamentation sur la mort du Christ de l’Académie de Bergame. La riche illustration du livre permet de se faire une juste idée de l’ensemble du parcours artistique. Le Christ descendant dans les limbes de Munich et l’Allégorie de Véronne méritent d’être vus.
Ce monogramme qui laisse deviner un certain Jérôme (HIR, HIeRonimus) originaire ou étant passé par Trévise (TReviso), a fait couler beaucoup d’encre, sinon des fleuves, du moins de nombreux encriers, dans le monde l’histoire de l’art italien. Tanzi fait l’historiographie de ces débats où se dégagent assez vite deux écoles. D’un côté, emmené avec panache par Longhi lui-même, est le parti des savoldistes, identifiant l’inconnu à Gerolamo Savoldo (Brescia 1480, mort après 1548). Il fait face à celui des Trévisistes , plus nombreux et disposant dans ses rangs de l’illustre Berenson, qui voient dans le monogramiste, Gerolamo de Treviso il giovane (Trévise 1498 – Boulogne sur mer 1544). Au long des cinquante pages qu’il consacre à ce parcours des différents articles, dont il donne des extraits, théories, extensions et réductions diverses du corpus, qui intéresseront les spécialistes, l’auteur n’hésite pas à se mettre en scène, évoquant sa découverte du peintre alors qu’il était encore étudiant, ses lectures des différentes études et même sa contribution au corpus par l’identification d’une toile qui se trouve aujourd’hui à Bergame. Plus que les guerres picrocholines entre historiens d’art se battant avec les sabres de bois que constituent leurs hypothèses, ces interventions biographiques qui parsèment le texte en font le véritable intérêt. En effet, si on a pu dire que l’histoire était un roman vrai[1], il faut bien admettre que l’intérêt du roman dépend souvent du romancier, de son style et du relief charnel qu’il sait donner à certaines anecdotes. L’incarnation de l’histoire dans son parcours personnel et professionnel, c’est précisément ce que réussit Tanzi.
Mais comment se termine cette guerre, comment se conclut le duel ? Par la mort des deux protagonistes ! Tanzi les élimine l’un et l’autre avec la coupe nette d’un exécuteur japonais. Comme il l’explique, cela ne peut pas être le trévisan pour des raisons chronologiques évidentes, les premiers tableaux du monogramiste datent en effet de la première décennie du XVIe siècle alors que le peintre était encore un enfant[2]. Et cela ne peut non plus être Salvoldo par la différence de style claire entre les tableaux documentés de celui-ci et ceux du corpus. Mais alors qui est-ce ? Un autre Girolamo da Treviso ayant aussi travaillé à Bologne, dit l’auteur, dont il n’y a pour l’heure, nulle trace dans les archives. Ah voilà qui est intéressant mais tout de même un peu décevant. On s’attendait à ce que fut enfin révélée l’identité du masque de fer et on se retrouve avec un nouveau Girolamo da Treviso qui n’est pas le Girolamo da Treviso que nous connaissons, et qui est pour l’heure totalement inconnu. Mais après tout la fameuse estampille BVRB, qui fait courir tous les collectionneurs de meuble Louis XV, est restée anonyme pendant des siècles jusqu’à ce que Jean-Pierre Baroli en perce le mystère.
Mais revenons au tableau. D’abord, rien ne dit que ce soit une représentation de Vénus, puisqu’aucun attribut de la déesse n’est présent[3] et ni Cupidon, ni aucun autre de ses compagnons habituels, Adonis ou Mars, ne sont représentés. Ensuite le tableau dont les faiblesses ont été toujours été signalées, très tòt la tête trop petite, le raccourci manqué du pied gauche, auxquelles on pourrait ajouter des erreurs de perspectives choquantes, est indéniablement d’inspiration giorgionesque, d’une part par la référence à la position la Vénus de Dresde, d’autre part par le paysage d’arrière-plan, où une ville semble enveloppée par une tempête menaçante. Le Nu allongé dans un paysage est une création vénitienne comme le souligne l’auteur, que ce soit celui de Dresde, ceux de Paris Bordone, ou la célèbre gravure du songe de Poliphile [4]. Cependant la facture du nu lui-même est plus massive, plus ronde. L’auteur fait des rapprochements intéressants avec l’Allégorie des Offices, alternativement attribuée à Corrège ou à Leonbruno[5], c’est-à-dire d’inspiration mantegnesque, et note des éléments d’origine lombarde, dans le plasticisme des formes, dans les tons livides, dans le teint nacré de la jeune fille allongée. Le tableau, qui a le charme mystérieux et séduisant des œuvres de Giorgione, est à la fois le premier de la chronologie restituée de l’artiste et le plus intéressant.
Cette tentative de micro-histoire à l’italienne sur un artiste qui justement échappe à l’histoire, qui est un voyageur anonyme de l’histoire de l’art permet de découvrir un groupe d’artistes qui cheminent entre les grands, Giorgione, Mantegna, Corrège et qui font le sel des collections. Ils constituent un élément essentiel du plaisir de la peinture. Les massifs montagneux ne sont pas constitués que de pics, il faut aussi des collines, des contreforts, des forêts. Le monogramiste est un de ses nombreux ouvriers qui ont édifié la grande peinture italienne. Et même s’il doit rester à jamais, un inconnu, il est bon de contempler ses tableaux.
Philippe PREVAL Paris 20 Octobre 2024
Versione italiana
Nell’ambito della raccolta di studi avviata da RC e diretta da Lucia Calzona, Marco Tanzi pubblica uno studio sulla Venere Borghese, citata nelle collezioni Borghese dal 1650 e che intitola più semplicemente Nuda Dormiente. Egli coglie l’occasione per fare il punto su ciò che si sa dell’autore, un misterioso maestro con il monogramma HIR-TV. Si tratta di un gruppo di dipinti di ispirazione prevalentemente veneziana ma influenzati anche dalla Lombardia[1], probabilmente Mantova, in particolare Mantegna, oltre che Parma e Bologna. Oltre alla Venere Borghese, i primi elementi conosciuti del corpus si trovano al Museo di Belle Arti di Rouen (Isacco che benedice Giacobbe e Agar e l’angelo) provenienti dalla dispersione della collezione Campana, come l’altro oggi alla Pinacoteca di Bologna (Noli me tangere). Vi si aggiunse molto presto un’incisione su quattro fogli (Susanna e i vecchi), di cui curiosamente si conosceva da anni solo la parte inferiore.
Nel corso del XX secolo il corpus si ampliò e oggi comprende una ventina di opere, tra cui le più importanti sono il Cristo discendente nel limbo a Monaco, il Nudo a Vienna e l’Allegoria a Verona, oltre al Compianto sulla morte di Cristo, riportato da Marco Tanzi nel catalogo dell’artista, all’Accademia di Bergamo. La ricca illustrazione del libro permette di farsi una giusta idea dell’intero percorso artistico. Una particolare attenzione meritano la Discesa del Cristo al Limbo di Monaco e l’Allegoria di Verona.
Il monogramma che compare nella semplicemente Nuda Dormiente fa pensare ad un certo Girolamo (HIR, HIeRonimus) originario o transitato da Treviso (TReviso), ha fatto scorrere molto inchiostro, se non fiumi, almeno molti calamai, nella storia dell’arte italiana. Tanzi fornisce la storia di questi dibattiti in cui emergono sostanzialmente due scuole. Da una parte, quella di Roberto Longhi, che identifica l’ignoto con Gerolamo Savoldo (Brescia, 1480, post 1548). Dall’altra quella più numerosa e che conta tra le sue fila l’illustre Berenson, che leggono nel monogrammista Gerolamo de Treviso il giovane (Treviso, 1498 – Boulogne sur mer, 1544). Nelle cinquanta pagine che dedica a questo percorso tra articoli, estratti, teorie, varie estensioni o riduzioni del corpus, che interesseranno gli specialisti, l’autore non esita a esporsi, evocando la scoperta da parte sua del pittore quando era ancora studente, la lettura dei diversi studi e perfino il suo contributo al corpus attraverso l’identificazione di un dipinto oggi a Bergamo. Più delle guerre tra storici dell’arte che combattono con le sciabole di legno che costituiscono le loro ipotesi, sono questi interventi biografici che costellano il testo a renderlo davvero interessante. Infatti, se potessimo dire che la storia fosse un vero romanzo[1], dovremmo ammettere che l’interesse del romanzo dipende spesso dal romanziere, dal suo stile e dal sollievo carnale che sa dare a certi aneddoti. L’incarnazione della storia nel suo percorso personale e professionale è proprio ciò che Tanzi riesce a realizzare.
Ma come finisce questa guerra, come termina il duello? Con la morte dei due protagonisti! Tanzi li elimina entrambi con il taglio netto di una katana giapponese. A suo parere, non può trattarsi di Girolamo da Treviso per ovvi motivi cronologici dato che i primi dipinti del monogrammista risalgono infatti al primo decennio del XVI secolo quando il pittore era ancora bambino [2]. Né può trattarsi di Salvoldo per la netta differenza di stile tra i suoi dipinti documentati e quelli del corpus. Ma allora chi è? Un altro Girolamo da Treviso operò anche a Bologna, dice l’autore, di cui attualmente non c’è traccia negli archivi: interessante ma un po’ deludente. Ci aspettavamo che l’identità della maschera di ferro venisse finalmente svelata e ci ritroviamo con un nuovo Girolamo da Treviso che non è il Girolamo da Treviso che conosciamo, e che per il momento è del tutto sconosciuto. Ma del resto il famoso francobollo BVRB, che attira tutti i collezionisti di mobili Luigi XV, è rimasto anonimo per secoli finché Jean-Pierre Baroli non ne ha svelato il mistero.
Ma torniamo al dipinto. Innanzitutto nulla dice che si tratti di una rappresentazione di Venere, poiché non sono presenti gli attributi della dea[3] e non sono rappresentati né Cupido, né alcun altro dei suoi compagni abituali, Adone o Marte. Il quadro, di cui sono sempre stati evidenziati i punti deboli -la testa troppo piccola, il mancato scorcio del piede sinistro, a cui si potrebbero aggiungere clamorosi errori di prospettiva- è innegabilmente di ispirazione giorgionesca, per il riferimento alla posizione la Venere di Dresda, nonché per il paesaggio di sfondo, dove una città sembra avvolta da un minaccioso temporale. Il Nudo disteso in un paesaggio è una creazione veneziana come sottolinea l’autore, sia quello di Dresda, sia quello di Paris Bordone, sia la celebre incisione del Sogno di Polifilo[4]. Tuttavia, la fattura stessa del nudo è più massiccia, più arrotondata.
L’autore effettua interessanti collegamenti con l‘Allegoria degli Uffici, attribuita alternativamente al Correggio o al Leonbruno[5], quindi dentro una logica mantegnesca, e nota elementi di origine lombarda, nel plasticismo delle forme, nei toni lividi, nella carnagione perlacea della fanciulla sdraiata. Il dipinto, che possiede il fascino misterioso e seducente delle opere di Giorgione, è allo stesso tempo il primo della cronologia restaurata dall’artista e il più interessante. Questo tentativo di microstoria italiana su un artista che proprio sfugge alla storia, che è un anonimo viaggiatore dentro la storia dell’arte, ci permette di scoprire un gruppo di artisti che si mosserto tra i grandi, quali Giorgione, Mantegna, Correggio e che sono il sale delle collezioni, parte essenziale del godimento della pittura. Le catene montuose non sono costituite solo da vette, ci sono anche colline, colline e foreste. Il monogrammista è uno dei tanti operai che hanno costruito la grande pittura italiana. E anche se dovesse restare sconosciuto per sempre, è bello contemplare i suoi dipinti.
NOTE